Ben,Il est temps: la page est désespérément blanche depuis
trop longtemps, plus de deux mois? Je ne sais plus, je n'ai pas été trop
au top avec Internet depuis le dernier mail et j'ai presque peur
d'avoir perdu le fil de mon propre récit. Ecrire, voilà j'ai réussi à commencer
ce mail commun que l'on me réclame, mais je n'ai aucune idée de
ce qu'il faut y mettre, juste je sais que ça fait longtemps et que ça
va être dur de replonger dans un passé qui a vu quelques embûches...
Retourner dans ma mémoire pour y retrouver des choses que je voudrais
essayer d oublier en sachant que je n'oublie jamais, mais l'espoir fait vivre,
il fait aussi écrire, alors c'est parti pour un petit voyage dans les
méandres de ma tête....
Rue Marianichvili, Tbilissi, je termine mon dernier mail commun,
de quoi était-il question, vais-je devoir le relire? Non,
la règle c'est la règle, quitte à me répéter.
Je revois le gris de Tbilissi, le gris de ma vie à ce moment
là: pas de réchaud, un vélo en piteux état,
une chambre où je me sens mal, terrible besoin de partir et
en même temps où? Pour quoi faire? Bises Seb, le mail
est terminé, dernière chose de ma liste de choses à faire,
je me casse de cette ville pourtant jolie mais la beauté dépend
de la façon dont on regarde.
Route vers le nord et Kazbeghi un village à la frontière
russe, il pleut, qu'importe, ça monte tant mieux. Régime
alimentaire: pain avec du thon ou de la confiture, le thé du
matin c'est le plus dur à renoncer. Ah mon réchaud,
tu me manques. Mais l'affaire est entre les mains de ma soeur en
qui j'ai confiance à 200 %, donc ça ne devrait pas
durer trop longtemps et je devrais retrouver mes pâtes mayo
bientôt!
La route est belle, joli goudron parsemé de ses camions et
voitures branlants caractéristiques de la route
de Géorgie, pays où tout semble proche de la rupture.
Certaines voitures sans essieux, certains camions chargés
au-delà de ce que dieu peut aider mais ça passe, y
a-t-il quelque chose au dessus de dieu ici? Sûrement, mais
cette précarité n'a pas le charme de la précarité indienne
ou autre: la précarité ex URSS c'est froid, gris, rouillé et
complètement inexplicable mais .....ça marche. Enfin
personnellement j'ai peur de chaque voiture qui vient de l'arrière,
et si j'ai toujours trouvé fatiguant les coups de klaxon,
maintenant je me dis "tient au moins celui-là il m'a
vu!". Les rayons claquent, le frein avant est inutilisable sur
la jante en plastique et j'attend la rupture de mon moyeux à tout
instant, comme s'il fallait absolument être dans cet état
de précarité roulante pour utiliser les routes de Georgie.
Je le suis, pas de soucis. Plus la route s'élève, plus
la fraîcheur revient, plus la route se dégrade plus
les gens se demandent "mais qu'est-ce qu'il fout là celui-la?
C'est pas une route à cyclistes vu qu'elle ne va nul part,
la frontière avec la Russie étant fermée, alors
en hiver ...... pourtant la route est belle, retrouver les montagnes
me fait du bien, j'aime leur sérénité.
Juste avant le col je passe une station de ski en réalisant
que cet hiver est probablement le premier depuis 22 ans où je
n'ai pas skié, ça m'a fait drôle d'y penser;
une envie de chausser les skis vient mais bon, remettre des skis
de 20 ans d'âge me m'enchante guère et en plus c'est
cher. Laissons ça aux 4x4 qui échappent à la
règle de la précarité.... Moi et Lola on continue
de monter. A combien est le col? Je sais plus, 2500 m ou un truc
comme ça, enfin je me souviens que la route était d'une
qualité exceptionnelle surtout à la descente où j'étais à peine
plus rapide qu'à la montée, même pas pu jouir
de la récompense du cycliste qui a bien grimpé!!! Et
puis les secousses me réservent une autre surprise: dans un
de ces tunnels plein de glace, ma selle casse! Ca aurait pu m'énerver
mais en fait ça me fait mourir de rire, que faire d'autre
de toute façon?
A ce moment là une voiture immatriculée 95 en France
s'arrête, remis de ma surprise, je sors du tunnel et accepte
la pomme qui m'est offerte et l'eau minérale qui va avec,
un peu soucieux d'être malade avec de l'eau sans bactérie,
vais-je la digérer!!!!?!!!!
Bernard est français, il vit à Tbilissi et là il
accompagne deux français à Kazbeghi; après quelques
mots il me laisse son adresse à Tbilissi, même si je
ne dois pas y repasser ou juste pour récupérer mon
réchaud et repartir, mais bon on ne sait jamais. Je termine
la route jusqu'à Kazbegi sans selle et finalement ce que je
croyais impossible arrive: ma selle me manque!!!Malgré les
maux de cul, c'est l'ironie du sort, on ne se rend compte de la valeur
des choses que quand on les perd, logique pourtant!
Kazbeghi a une bonne "home stay", personne à l'intérieur
et je suis bien accueilli par une petite vieille qui me prend sous
son aile. Je suis fatigué, pas vraiment physiquement mais
psychologiquement, les problèmes ne semblent pas pouvoir quitter
mon esprit et elle appartient à ce genre de personne qui lise
directement en vous, privilège de l'âge peut-être.
On ne trouve pas une langue commune mais qu'importe de toute façon
elle n'aime guère plus parler que moi! Elle me fait allonger
et me masse mon pied gauche, la cheville est encore un peu gonflée
mais je ne boîte pas, comment l'a t-elle vu? Mystère,
je m'assoupis là, dans l'incroyable chaleur de la pièce
où elle vit en me faisant masser le pied gauche, d abord très
gêné au début, puis la fatigue gagne; réveil
juste à temps pour un repas à volonté bien sûr
et ça c'est jamais à l'avantage des GH avec les cyclistes!
Le lendemain, selle réparée, je redescend vers Tbilissi
en bus avec l'espoir de récupérer mon réchaud,
espoir vain, je suis dégoûté, la poste avait
dit.....Peu importe, un coup d'oeil sur le net pour y découvrir
rien de bon et je remonte retrouver ma petite vieille et sa soupe
de patates tomates. Mais dans le bus je décide de tenter une
ascension du Kazbek sans réchaud, combattre la poisse en se
mettant délibérément en situation de besoin
de chance, ça marche, non ? Départ 20h du soir,
de l'eau, 5 snickers dans le sac, je marche une bonne partie de la
nuit jusque vers 3000m, il neige, ça pue le but à plein
nez mais je m'obstine à continuer dans cette pénombre
où ma frontale éclaire juste le vent et les flocons
qui viennent me fouetter le visage; 15cm de neige fraîche plus
la neige du dessous qui enfonce, je brasse, atteint le glacier, pause
le sac et réfléchis ; enfin, d'abord non je me
pose juste et me demande le sens de cette marche sous la neige sans
possibilité d'avoir de l'eau, en tentant de faire en une journée
ce qui prend 3 jours normalement en outre en été, mais
sans réchaud je ne peux envisager de camp, car pas de réchaud
pas d eau. Devant moi le glacier, 1500m plus haut le sommet, je ne
le vois pas, forcément il fait nuit et il neige. Que m'apporte
cette marche; avant de partir je savais que je ne pourrai pas atteindre
le sommet, mais besoin de réflexion, de solitude, sans vraiment
savoir pourquoi; le glacier s'offre à moi, je n'y mettrai
pas le pied, neige fraîche et glacier ne font pas bon ménage
surtout de nuit et puis en fait je n'ai pas suffisamment envie de
ce sommet, je recommence à me demander si ça a du sens
de porter tout le matos de montagne pour être à la merci
du mauvais comme cela, à la merci d'une panne de réchaud, à la
merci des visas qui limitent mon temps ou autre, et surtout je me
demande si j'ai réellement besoin de me compliquer la vie à ce
point, le vélo c'est simple, tourner les jambes ça
suffit peut-être...
En attendant les conditions sont pourraves, je rebrousse chemin,
me perds, mes traces étant déjà effacées
par le vent et le neige. C'est le matin quand je rejoins la maison.
La vieille me met une paire de baffes pour lui avoir désobéi
et fait faire du souci avant de me faire à manger, ça
me fait sourire, la vie est belle en mangeant cette éternelle
soupe.
La route pour retourner au col ne s'est pas améliorée
durant mon séjour à Kazbeghi, faut se faire une raison,
je n'avais pas mal vu! Bien entendu je n'ai pas de carte, mais sur
mon guide il semble y avoir une petite route qui coupe vers l'Azerbaïdjan
sur l'un du très mauvais plan qu'ils appellent carte. Je tente
le coup, il pleut, d'ailleurs ça fait deux jours qu'il pleut, ça
monte, le goudron disparaît, la boue apparaît, il faut
pousser, pas longtemps mais un peu quand même, puis faute de
vouloir pousser je casse la chaîne, trop de boue pour elle,
la galère. Le lendemain l'enfer me tombe dessus, il continue
de pleuvoir, le terrible troisième jour de pluie et la journée
je la passe à pousser le vélo, de la boue sur 15 cm,
le vélo s'enfonce c'est la galère, la vraie galère,
je commence à me demander ce que je fous là; un village
ne m'est pas d'une grande aide: ils semblent toujours croire que
Staline est leur président. Qui passe ici personne, je rebaisse
la tête et pousse. Tout est trempé, de la boue de partout,
remarquez les sardines se plantent facilement le soir. Encore un
jour de pluie et j'échoue dans une ville dont j'ai oublié le
nom. Aujourd'hui je sais qu'il y a une guest house marquée
comme exceptionnelle dans le Lonely Planet. J'ai besoin de sécher,
je traîne ma boue jusqu'à leur cour, passe sous le jet
d'eau, un peu plus ou un peu moins mouillé!!! La gérante
n'en croit pas ses yeux de me voir arriver là en hiver, surtout
quand je lui dis où je suis passé. Une douche requinque,
puis un coup de tél m'apprend que le réchaud est arrivé.
Un allemand est là, il m'offre une bière, une boîte
de sardines et du pain pour le repas du soir ainsi qu'une de ses
soirées où l'on refait le monde et ce soir là le
mien de monde a besoin d'être refait et coloré d'un
peu de soleil et de goudron, même virtuel, c'est bon! Le lendemain
aller retour à Tbilissi, le dernier, inch allah (dieu qui
n'officie pas trop ici mais bon) et retour avec ce petit bout de
métal qui va changer ma vie, un réchaud, merci ma Stéph,
merci du fond du coeur!
Allez il est temps de quitter la Géorgie. Je roule vers la
frontière. Un campement juste avant la frontière pour
retrouver le doux bruit de mon réchaud, que c'est bon l'eau
chaude et les pâtes mayo ketchup! Dernier village avant la
frontière, le soleil a enfin gagné sa bataille contre
les nuages, on m'invite pour un dernier repas arrosé de vin
géorgien pas mauvais. Quand je quitte la table un poste de
radio diffuse "bohémienne rapsodie" de Queen dans
les rues du village, un signe? Puis ce soleil qui me sèche,
deux signes? Puis ce repas offert, trois signes? Ca y est j'en suis
sûr la période de poisse est passée. J'en suis
sûr! 5 km plus loin la frontière, accueil excellent
des géorgiens, comme d'hab, puis la barrière se lève
et devant moi l'Azerbaïdjan, enfin; juste après la douane,
je tends mon passeport sans aucune inquiétude. " visa
no good" what? Mon visa est de Istanbul, le consul m'avait bien
précisé que ça commence à la date d'entrée
dans le pays sinon je le l'aurais pas demandé, je suis pas
con: Istanbul - Azerbaïdjan en un mois c'est pas possible, d'ailleurs
sur le visa il y a une place avec ''from'' et une autre pour ''until''.
Mais voilà un douanier d'une ancienne république de
l'URSS ce n'est pas la joie et la négociation tourne vite
au cauchemar. Il veulent rien savoir, "tu penses comme un gosse" me
disent-ils. Après deux heures d'explication polie, je craque
et lui lance "c'est toujours mieux que de pas penser",
retenant avec difficulté un "c'est toujours mieux que
de penser comme un douanier". La négociation est finie,
tout le monde défile pour essayer d'apaiser nos colères
respectives, on s'insulte, chacun dans nos langues, mais en fait ça
ne change pas grand chose, pour dire des choses très méchantes
et très gentilles pas besoin de parler la même langue,
c'est pour tout ce qui est au milieu que ça sert, c'est vrai ça
fait pas mal de trucs mais là on se comprenait très
bien je crois. Tout ce que j'ai appris dans les cours de récréation
y passe et lui ça doit être à peu près
pareil. A la fin je m'assieds par terre et décrète
que je ne bougerai pas. Mais ça ne l'impressionne guère,
il appelle deux gros malabars qui me saisissent chacun sous les aisselles
et me portent en Géorgie, un troisième faisant rouler
mon vélo. Je suis "reconduit", dernier pique à mon
douanier en lui demandant d'où il est, il répond fièrement
d'Azerbaïdjan, je lui dis "ah pardon je croyais que tu étais
russe", ultime insulte avant de cracher sur ses bottes et de
partir. Ca devait bien faire 10 ans que je m'étais pas énervé comme ça
je crois, mais là, l'accumulation depuis un bon mois commençait à me
peser, alors ça a pété, preuve que je suis fatigué.
Normalement je ne m'énerve jamais, enfin jamais comme ça,
perdu le contrôle, perdu toute chance de repasser un jour cette
frontière, je n'aime pas perdre le contrôle de moi-même
car je sais que la colère n'aide en rien mais bon, c'est la
vie pas le paradis!
Retour en Géorgie, troisième tampon sur mon passeport,
les larmes au yeux (c'est de famille quand on s'énerve, on
pleure), mais je n'aurai pas fait l'honneur à mon douanier
de lui montrer! Ce refus de frontière, c'est une décision
prise, je perd à cause de ça le temps de rab que j'avais
pour la montagne et surtout je perd l'accès aux montagnes,
bref c'est le coup fatal à ma motivation de grimpeur. Trop
dépendant de petits trucs de merde comme trop porter pour
si peu de chance de réussite et surtout à la fin c'est
une perte de liberté, à trop en vouloir on en perd,
je vais me simplifier la vie, alléger le vélo, laisser
du matos à Tbilissi où et comment je ne sais pas, mais ça
y est c'est décidé.
A la frontière géorgienne accueil chaleureux, tout
le monde m' offre des biscuits, des madeleines de l' eau et tout
ce qu'ils ont. Pas de douane, rien, tout ira vite mais bon je dois
quand même retourner à Tbilissi en vélo, 300km,
j' ai le démon. Mais me ressaisis assez vite, réfléchi
que faire et comment et attaque à rouler vers le sud, décidemment
j' aurais fait bien des détours en Georgie!
30 km plus loin 4 pêcheurs m' arrêtent, « atkouda? » (d'
où tu viens) puis la fameuse pichnette sur le cou, tient pourquoi
pas! Alors on mange pendant une heure les petits poissons, qu'ils
pêchent dans une mare au filet, arrosés de vin blanc.
La nuit nous prend là, moi, déjà éméché,
en train de faire du cheval et surtout d' oublier ma journée
ma semaine, mon mois.... Du coup ils m'invitent chez eux, réalité d'
une Georgie loin du maquillage des portables et des BMW de Tbili.
Une pièce dans une immense maison, la seule où le
plafond ne s'est pas écroulé, deux lits en ferraille,
une table, pas de frigo, pas d' eau courante, pas de fenêtre,
pas de cuisinière, juste un poêle; le toit n'est plus
qu'un vague souvenir sur la plupart de la maison, seul la moitié de
l'escalier permet d accéder à une pièce où malgré tout
le gris et la dislocation choquante la chaleur règne. Pain,
fromage pour le repas, quelques légumes, les éternels
petits poissons et du vin : une bonbonne de 5l. Voilà tout
le garde-manger est déballé pour moi... La pauvreté me
choque encore une fois, comme si ces gens étaient un oubli
de la terre entière, brisés par des rêves promis
mais jamais arrivés, plus vraiment d'espoir dans les yeux,
le futur c'est quoi? Juste compte ce présent, ce bout de fromage
que l'on offre à l'étranger qui par sa présence
rappelle qu'il y a de la vie encore ailleurs même si ici ben
on se résigne depuis longtemps, on n'y crois plus ; c'est
un sentiment bizarre cette extrême générosité et
cette extrême résignation. En Inde les gens espèrent
toujours une meilleure réincarnation ou autre, ici les coeurs
sont tannés quand il s'agit d'eux-même et extrêmement
tendres, avec maladresse certes mais tendres quand même, touchant,
touchés et tristement coulés dans les verres de vin,
de vodka et autre...
5 litres : on est quatre ; je calcule vite que ça
devrait le faire, mais après le premier verre un gars part,
merde ça se complique. Chaque verre s'accompagne d'un toast, à l'amitié, à la
vie, à tout ce qui reste de vie ici , à tout ce que
la guerre n'a pas détruit (deux sont d'anciens soldats de
l'Armée Rouge, l'autre est un orphelin adopté par la
mère des soldats). Les 5 litres passent par plusieurs
verres cul sec, bien sûr ici on boit pour se détruire,
pour oublier ou peut être pour ne pas penser on boit car....
Pourquoi ne boirait-on pas après tout? Ca se passe de raison
mais un étranger c'est quand même l'opportunité de
sortir une deuxième bonbonne de 5l!Ouh la la! ça devient
dur pour moi, le vin blanc a la pêche, maintenant le rouge....à la
moitié de la deuxième bonbonne je retourne mon verre
et capitule, pas moyen de rivaliser, ils finiront la bonbonne à deux
et compléteront le tout par une bouteille de vodka dont je
me passe avec plaisir! Incroyable ce qu'ils peuvent ingurgiter!!!
Le lendemain, départ tardif les sacoches remplies de pain,
fromage et poisson, pas moyen de refuser de toute façon, hospitalité géorgienne,
je n'oublierais pas. Je roule et re-rentre dans mes problèmes
de visa et pour le première fois du voyage commence à me
demander le sens de ces tour de roues voilées, de ces kilomètres
arrachés, voilà un mois que je résous problème
après problème, j'ai besoin de voyage facile, de soleil,
l'hiver aura mis trois mois à me pénétrer mais ça
y est j'ai froid, je ne veux plus de boue, de neige, de rayon qui
casse, plus de Lada qui klaxonne, j'ai besoin d' une pose. Tbilissi
le retour, ou aller? Je sors l'adresse de Bernard échouée
dans une de mes poches et frappe, pas longtemps la porte est grande
ouverte et moi chaleureusement accueilli. Bernard et Quetino (sa
femme) m'offrent ce dont j'ai besoin en 2 minutes : un chez
moi. J'ai l' habitude de dormir un peu partout, de me poser chez
plein de gens différents mais des fois sans que l'on puisse
l'expliquer il y a des lieux, des gens chez qui on se sent chez soi
et à l'aise tout de suite, pas besoin de grand discours, d'une
literie en or ni d'une chambre avec télé et salle de
bain, non, un sourire et de la compréhension suffisent ;
je me pose, c'est bon, une vraie bonne douche, une machine à laver
pour mes fringues, Bernard m'invite à manger un kebab, je
me sent revivre, loin la boue les routes pourries, la neige les buts
en montagne, les douanier pourris,....demain est un autre jour, merci!
Le lendemain d'ailleurs je suis invité à 30km de Tbilissi à un
repas, j'y vais en vélo car ça me détend le
vélo, je débarque dans un bled et découvre une
table pleine de victuailles et de français! Qu'est ce que
c'est ce délire? Plein de français, des profs de l'école
française de Tbilissi, retrouver ma langue maternelle, depuis
quand n'ai-je pas parlé français? 1 mois, 2 mois, je
ne sais plus, la vie facile autour d'un cochon de lait. Manger, boire,
du chocolat, des fruits, ne penser à rien, peut-être
faire un peu le malin car c'est facile y a juste à raconter
la neige, le froid, la Turquie, la boue, la Georgie....presque on
serait admiré, ce n'est pas ce que je cherche mais bon c'est
agréable de parler et d être compris, tout semble si
facile là, carpe diem .......
Je passe quelques jours à Tbilissi à traîner
dans la communauté française, autour de l école
française où Internet m'est offert gracieusement, je
fais un petit exposé sur mon trip aux élèves
de seconde à terminale, rien de bien spécial, de l'improvisation,
pas très compliqué car on ne parle toujours que des
bons côtés du voyage, la mémoire est sélective,
mais Internet me rappelle vite sur terre. Internet pour le voyageur
c'est quelque chose de magique, ça l'a toujours été pour
moi, j'ai toujours aimé mes sessions Internet, j'y suis toujours
allé avec plaisir, lire mes mails, tchatter et le reste. Mais
là, à Tbilissi, Internet c'est mon calvaire, que des
mauvaises nouvelles, que des galères, il semblerait que le
monde entier soit contre moi, what the hell going on? Je règle
ce qui est urgent, laisse tout le reste en plan, ça attendra.
Il me faudra 2 mois avant de retourner faire de vraies cessions Internet,
ici à Samarkand, les autres étant juste des résolutions
de problème sans trop de plaisir! Internet ça peut être
aussi un lien avec les choses que l'on aurait bien voulu oublier.
Dash it, nouveau visa dans mon passeport, je roule vers l'Azerbaïdjan
cette fois sans problème, le douanier à regarder Taxi
la veille et tout ce qui l'intéresse c'est que je lui traduise
en anglais la BO (tu me plais mais t'exagères....), Le médecin
marque vite une température fictive en essayant de me soutirer
quelque menue monnaie, peine perdue mon gars et me voila entamer
les 700km de plat qui me sépare de l'Iran.
je roule, roule, le vélo est léger : comme prévu
j'ai lâché mon matos de montagne à Tbilissi chez
Bernard, avec en théorie (?) un retour pour lui fin juin.
Cette décision quelque part me soulage, je sais déjà que
je le regretterais plus tard (Tadjikistan,Tibet ou autre) mais elle
s'est imposée à moi comme logique. Yann Corrax un des
grands cyclistes voyageur (www3.utsidan.se/corax-e/)m'a d ailleurs
dit "sur un long voyage c'est dur de porter le matos, j'avais
fait pareil que toi à Tbilissi il y a quelques années".
Cette décision change pas mal mon voyage en lui même
qui prend une nouvelle tournure et qui maintenant n'a plus vraiment
de but en lui-même, mais "un voyage se passe de motif,
on croit que l'on va faire un voyage mais très vite c'est
le voyage qui nous fait ou nous défait" (Nicolas Bouvier,
L'usage du monde, livre exceptionnel à lire absolument) alors
le mien n'en a plus vraiment de motif, pourquoi pédaler? Je
sais, je n'en ai aucune idée, enfin si j'en ai quelques unes,
mais une seule réponse simple et rapide me vient à l
esprit : pourquoi pas? Cette dernière question ne trouve
pas plus de réponse. Peut-être juste parce que malgré tout
je suis bien, que le soir les pâtes me semblent toujours le
meilleur repas du monde, que mon hôtel de 1.5 kg avec vue sur
la terre, les étoiles et tout ce qu'il y a de plus beau est
toujours le plus confortable....d ailleurs pourquoi devoir justifier
toujours justifier...
L'Azerbaïdjan, le soleil revient, je sors les jambes, mon compteur
affiche les 10 000 km, c'est juste un chiffre certes mais je m'arrête
quand même pour en profiter, me souvenir du premier
km et de toutes les autres choses, les endroits, les montées,
c'est inscrit quelque part ; ici un chien, ici un rayon qui
casse, ici une crevaison, ici une descente, ici le vent dans le dos,
ici un bon repas, un bon thé, ici un point de vue de ouf.....10000
km c'est peu en fin de compte, on en fait tout une histoire mais
ce n'est pas grand-chose,
10111 c'est déjà beaucoup plus, mon moyeux arrière
casse, voila quelques jours qu'il faisait un bruit bizarre, je le
savais condamné, l'accident l'avait entamé mais voilà c'est
un moyeux "moderne", moderne veut dire que l'on ferme tout
pour que l'on ne puisse toucher à rien jusqu'à ce que ça
casse. Une fois ouvert en deux je découvre que c'est juste
un roulement avec des billes en mauvais état, je repars mais
n'ayant pas de billes de rab (ah! le manque d'expérience....)
c'est du provisoire, au point où j'en suis de toute façon
entre ma jante et mes moyeux!!
"Je n'ai pas peur de la route et des méandres au creux
des reins... le vent nous portera, ...la caresse et la mitraille
et cette plaie qui nous tiraille...le vent l'emportera" j'écoute
la radio en "travaillant", un bon « live » de
Noir Désir vient combler mes petites oreilles, petits plaisirs
de la vie qui ne sont pas désagréables, juste pour
partager ça au vol entre deux lignes... la vie est belle.
Alors moyeu cassé ou pas je reprends ma route, roule vers
l'Iran. Je n'ai que 7 jours de visa en Azerbaïdjan alors pas
trop le temps de traîner malgré les « adkouda » et
les invitations pour le thé qui fusent de partout. Les gens
sont exceptionnellement curieux et prêts à tout pour
satisfaire leur curiosité en te faisant arrêter. Concrètement ça
se traduit pour moi par : tous les repas du midi à l'œil,
par des dizaine de thés de partout, mais également
par le terrible « atkouda atkouda ». Ici on
dit « atkouda » comme on dit bonjour, une deux
fois ça va mais là c'est 100, 200 fois par jour je
deviens fou mais l'Iran approche....
L'Iran!!! ça y est la route plate et ennuyeuse d'Azerbaïdjan
se termine, dernier repas avec une famille, dernier cadeau, une boîte
de sardines et quelques billets qu'une vieille insiste pour m'offrir
(20 centimes); j'ai beau refuser obstinément, elle est plus
bornée que moi, trop heureuse de voir que quelqu'un vienne "lui
rendre visite", une visite qu'elle accepte pas comme Brassens
l'a chanté! Dernière nuit 20 km avant la frontière,
je ne sais pas trop quoi attendre de l'Iran, avoir peur ou pas, est
ce que c'est la continuation des problèmes ou le début
de leur fin? Est ce un pays de terroristes, mal famé.....Une
seule façon de voir: faire ces 20 putain de km. Grande porte
en ferraille de 20 m de haut pour le passage des piétons où les
cyclistes sont invités à passer, les habituels requins
changeur de monnaie, puis des officiers tous bien propres et bien
sur aimable comme leur porte....bref une frontière. Le visa
arménien permet de faire traîner mon passage. Ah !
ils aiment faire chier!!! Mais en poussant mon vélo j'arrive
au poste iranien, on change de monde. Le soldat sort de sa cabane,
vient me serrer la main, "welcome to Iran sir", sir quand
tu es tout crasseux semble un peu exagéré, mais bon.
Il me conduit au bureau de l'immigration en m'aidant à porter
le vélo sur la petite marche. L' immigration c'est 5 filles
aux sourcils parfaitement épilés, des yeux à tomber
raide, entourés certes d'un "foulard" (tchador,
c'est un peu plus qu'un foulard!) qui pose plein de questions en
lui-même. Question timide, « pourquoi tu es aussi
sale », « ben la route, la boue, la pluie d'il
y a deux jours », je ne sais pas moi, elles ont presque
de la peine pour moi, faut pas quand même. Passeport tamponné,
reste les douanes. Un douanier s'approche d'un pas décidé,
me sert la main comme si j étais un roi de passage, me dit "welcome
to Iran sir "et m'ouvre la porte pour sortir, contrôle
fini!!!! ça me plait!!!
Une deuxième porte métallique me libère au
milieu de la ville (la frontière coupe une ville en deux,
Astara) là on plonge dans l'Asie, bruit, couleurs, les gens
ont la peau mate et les relations sont tout de suite plus détendues.
Il me reste un peu d'argent d'Azerbaïdjan, je veux le changer,
un des requins commence a essayer de m'entuber, un gars qui parle
anglais lui met une claque, lui prend quelques billets supplémentaires
et me les tend, "welcome to Iran, you re our guest, this guy
tried to shit you".
Arrivé en Iran, pas de carte, presque pas de guide de voyage,
presque pas d'argent....juste je sais que je dois aller à Tabriz,
il paraît que c'est une bonne place pour les vélos et
le mien a besoin d'une telle place. Je parviens à trouver
une carte en farsi (perse) où quelqu'un me traduit les noms
des villes que je dois traverser pour aller à Tabriz. Ici
tout est facile, je demande une carte à quelqu'un il s arrête
de vivre, m'emmène là où il y a des cartes,
me trouve un traducteur...."welcome in my city, welcome in my
country", merde c'est de ça que je devrais avoir peur?
Bon peut-être juste un mal entendu, continuons.
Astara est au bord de la mer Caspienne et de là il faut monter
quelques 1600 m d'un coup et sous la pluie sinon c'est pas drôle!!!
6 km heure, c'est parti, il pleut, pleut et repleut, ça commence
fort; moi qui voulais du soleil et voyais l'Iran comme un immense
désert!!! Ma montée est interrompue par des jeunes
qui m'offrent un peu de lait fermenté, quelques fruits et
une place à l'abri pour quelques minutes. Ils sont en train
de boire du whisky, là sur le bord de la route et ont des
convictions politiques de gens qui n'ont pas beaucoup réfléchi à la
vie mais bon, la pose était agréable. Quelques km plus
loin un chauffeur de bus iranien m'offre une orange et tout le groupe
d'allemands qu'il conduit commence à me poser des questions
sur tout et rien, être là dans cette montée sous
cette pluie c'est complètement dépourvu de sens mais
depuis quelques temps la théorie des montées et des
descentes s'impose a moi.
D'après Einstein, il parait que la vie c'est comme à bicyclette,
pour garder l'équilibre il faut avancer, la réciproque
doit être vraie aussi vu que la bicyclette c'est comme la vie.
Et en vélo il y a des montée et des descentes. Les
montées peuvent être dures mais aucune montée
n'est éternelle, elle est toujours suivie de ce moment où les
roue basculent, les vélos avancent tout seuls et à chaque
fois la même réflexion : le vélo c'est le
plus beau des moyens de transport, c'est trop bien mais il faut être
monté pour éprouver cette sensation de bonheur intense,
et là ça monte sérieux, mais toute montée
appelle une descente, peu importe que la montée dure 1h, 1
journée, 1 mois, 1 ans ou 6 ans, toutes les montée
appelle une descente, j'ai appris ça je crois en 10000km,
alors il suffit d'en être convaincu et aucune montée
n'est alors vraiment un calvaire. Cela n'est pas que valable pour
le vélo et ainsi l'équilibre est trouvable....
Alors quand une allemande me demande si ce n'est pas trop dur, je
ne peux répondre que non, le vélo ce n'est pas dur,
c'est la conception que l'on en a qui est dur et je dirais même
que c'est vachement fair play comme sport, la course à pieds
descente ou montée tu dérouilles, nous on ne fait vraiment
que la moitié du chemin!! et puis pour la pluie j'essaie de
me convaincre que comme l'a dit un autre cycliste « ce
n'est que du soleil liquide », bon, là j'ai encore
un peu de boulot mais je dois avouer que la pluie en Iran mouille
mais ne glace pas le corps jusque dans les os comme en Georgie, alors ça
va. Toujours est-il que pour les allemands je vis un calvaire et
qu'ils ont pitié de moi, pitié qu'ils matérialisent à l'européenne
en m'offrant quasi 50 euros! Pardon mais avec les retraites allemands
je ne refuse pas comme avec ma petite veille en Azerbaïdjan!
D'ailleurs je ne le sais pas encore mais cet argent va me sauver
la vie!!! (j'exagère mais il va me rendre un grand service!!)
Je capitule quelques km avant le sommet et plante la tente, dévore
mon repas 5 étoiles au guide du voyageur et m'effondre. L'Iran ça
y est j'y suis.
Le lendemain la descente promise arrive avec le soleil et le vent
de face qui s'invite au cocktail et ce jusque Tabriz. Un jour avant
Tabriz je refais mon moyeux arrière dans un atelier de vélo
qui par chance a des billes comme j'ai besoin. Il y a encore un mois
je me disais qu'il fallait que je le change, mais aujourd'hui je
répare. J'ai appris la mécanique sur le tas mais la
règle du « tu te demmerdes » semble
marcher et aujourd'hui j'ai toujours le même moyeux que j'ai
refait deux fois déjà, mais il va bientôt atteindre
ses 15000km! Certes un peu de scotch est venu compléter la
pièce originale histoire de lui rendre un peu d'étanchéité mais ça
marche alors inch allah....
Tabriz, grande ville des cyclistes de partout. Je suis tombé où je
voulais, trouve vite un hôtel pas mal à trois euros
la nuit et part pour une glace. Des fois j'ai des envie comme ça!
Les glaces iraniennes sont délicieuses, quand je mest la main à la
poche, le gars me dit "you re tourist it' s free!", encore
une fois welcome to Iran, d ailleurs tout le long de la route jusqu'à Tabriz
a été ponctué de cette générosité,
de cette accueil incroyable. Un jour une moto fait un détour
pour venir me voir durant mon repas du midi et me dit " i stop
for hello you, me very happy you in my country, welcome", rien
de plus il s'en va mais avait besoin de le dire. C'est l'Iran. Traverser
un village en Iran c'est s'exposer à une série de « welcome » et
de « i love you », tout ce qu'ils connaissent
en anglais, ça pourrait être bien pire!!!!
Ma glace à la main je déambule dans les rues de Tabriz
quand mon regard se pose sur deux vélos avec des portes bagages ;
je m'approche au pas de course, un peu de compagnie des gens de mon
monde, les premiers depuis longtemps. Je rencontre Rod (www.roddo.net)
de Nouvelle- Zélande et Etienne d'Afrique du Sud (www.etienneleroux.com).
Leurs vélos sortent du lavage et étincellent, de jolis
vélos ça fait presque envie!!!! Le temps d'aller chercher
le mien et on se retrouve. Etienne a 11000km au compteur sur ce trip
qui n'est pas son premier et ne peut retenir un "putain c'est
beau d être arrivé ici avec ça". C'est vrai
qu'il est mal en point, mais tout de suite je mets les choses au
clair « tu peux oublier le "it" anglais pour
mon vélo qui fait beaucoup trop de trucs pour moi, pour ma
bicyclette c'est "she!!!" », « pourquoi
she? », alors je peux sortir ma blague matchiste toute
faite " quelqu'un qui te cause tant de problèmes, te
coûte tant d'argent et dont tu ne peux pas te passer c'est
quoi?"!!!!
On part ensemble visiter un parc avec les gens chez qui il reste
et sur la route j'apprend une bonne nouvelle : carte de crédit
inutilisable en Iran, ni traveller chèque, ni rien.....Merde
pourquoi je n'ai pas de guide je l'aurais su!!! Quel con ; qu'est
ce qui me reste : 50 euro de mes allemands et les 100 euros
cachés dans le vélo sensés être pour l'urgence
mais là, c'est l'urgence car faut investir pour Lola, quelle
merde!
Enfin on nous offre un délicieux repas et dès le lendemain
on me guide vers les magasins de vélo : deux nouvelle
jantes, et les rayons neufs plus un nouvel axe de pédalier
et un nouveau pédalier sont les cadeaux que j'offre à Lola.
et comme on est en Iran c'est main d'oeuvre gratuite pour les touristes!
C'est comme ça ici, tu paies les pièces mais pas la
main d'oeuvre du coup en deux jours Lola a une autre allure....ce
qui me rend heureux.
Rod est parti faire un visa à Téhéran, Etienne
et moi restons dans le même hôtel. Etienne est le genre
de gars que l'on ne peut s empêcher d aimer dans les 5mn et
avec qui on se sent tout de suite bien, et puis il a plein d'expérience
qu'il met à ma disposition pour l'achat des pièces
et de tout le reste, il joue un peu le grand frère et son
aide me fait grand bien, la montée qui dure depuis un bon
mois semble se terminer avec lui....
Un matin où l'on prend un petit déj à l'office
du tourisme (café et thé gratuits...) fait de yaourt
au miel, on voit se pointer un français, veste Eider, sac
a dos Millet, c'est sûr il a le même passeport que moi.
Romain prend le troisième yaourt que celui qui tiens l'office
du tourisme a refusé et nous dts qu'il aimerait continuer
sa route vers l'Est en vélo mais il n' a aucune idée
de comment ça marche : dans sa tête il achète
un vieux vélo chinois et part vers la Mongolie avec. Etienne
et moi le ramenons sur terre et deux jours plus tard il aura un vélo
tout beau et commencera sa route vers l'Est avec Etienne! Aujourd'hui à Samarkand
on est ensemble, il roule toujours et il aime ça. Pour moi
et Etienne c'est un pas vers paradis des cyclistes! Convertir quel
qu'un ça permet d'en ouvrir les portes! Le paradis des cyclistes,
un endroit sans camion ni klaxon et sans vent de face et des plats
descendants de partout avec des sources d'eau suffisamment fréquentes
pour ne pas devoir en porter.......Le paradis quoi! Un paradis qui
n'est pas très loin de notre réalité, là autour
de ce délicieux yaourt au miel! Etienne me rappelle que nous
sommes les hommes les plus chanceux de la terre et les plus heureux également
et un moyeux une roue qui claque un porte monnaie vide ce n'est bien
rien comparé à tout ce qu'on touche en retour. un tout
que l'on ne peux pas vraiment définir et matérialiser
par des mots, c'est l'ensemble de nos petits plaisisr qui font nos
grandes libertés et nos grands bonheurs, bref c'est la grande
descente à Tabriz, elle dure toujours aujourd'hui......
Je quitte Etienne et Romain (entre de bonne main) pour quitter Tabriz
avec Rod. Rod est parti d'Istanbul il y a un mois, il pédale
vite et pour la première fois je vais pédaler avec
quelqu'un et je suis content. Pas que j'ai besoin de prouver quelque
chose ou de me confronter. mais j'ai tout appris tout seul depuis
7 mois et je suis vraiment curieux de voir comment font les autres
et d'apprendre d'eux. Mais voila après une journée
de route Lola est jalouse, problème de chaîne et de
cassette et de pédale, il me faut retourner à Tabriz
acheter une chaîne et une cassette. Je suis vert et me demande
si je suis juste fait pour pédaler tout seul! Le deuxième
problème c'est que je n'ai plus que 30 euros, je fais crédit à Rod
de 10 euros pour le transport à Tabriz. Je laisse mes affaires
chez un gars qui nous avait offert le thé et part en stop
payant vers Tabriz ma roue sous la main. je reprends la route avec
8 euros en poche, la prochaine ville où je devrai pouvoir
avoir de l'argent, grâce encore une fois à ma sœur,
est à plus de mille km! Ouah ! ça va être
la fête!!!
Il y a beaucoup de pays où je serai inquiet de faire 1000km
en vélo avec si peu d'argent mais pas l'Iran!
La route qui relie Tabriz Ispahan via +/- Hamadhan est plutôt
montagneuse mais extrêmement verte, extrêmement belle,
un peu trop ventée mais rien d'horrible, et les gens tout
le long des routes sont.....comment dire exceptionnels. Voyager en
Iran est incroyablement facile, quoi que tu demandes à quelqu'un
il va arrêter de vivre jusqu'à ce qu'il te trouve ce
que tu veux, et il faut avouer que ta position de cycliste te donne
une place privilégiée. Impossible de compter les tasses
de thé, le nombre de pains, fruits ou repas complets offerts,
impossible de compter le nombre de « welcome to my city »,
de « i love you » en traversant un village.
En Europe je me suis vu refuser de l'eau dans certains pays, ici
il est difficile d'avoir des bouteilles vides. A peine tu t'arrêtes,
quelqu'un s'approche, te demande ce dont tu as besoin, d'où tu
viens.....va te chercher de l'eau fraîche, du pain ou n importe
quoi qu'il a sous la main et juste son sourire et sa chaleur sont
déjà parfois un beau cadeau même si parfois c'est
trop quand tu as besoin d'être tranquille et que trente personne
arrivent, mais si la curiosité est un défaut la non
curiosité en est un encore plus grand. Et parmi les qualités
des iraniens il y a leur incroyable honnêteté :
tu peux laisser le vélo chargé au milieu de la rue,
partir faire tes courses, aller te promener une heure et revenir,
tout sera là et si tu confies le vélo à quelqu'un
tu peux être sûr qu'il veillera à ce que personne
ne le touche!!!
Un jour un veille homme m'arrête pour me demander une faveur
que je lui est promis de remplir et je vais le faire maintenant: "please
bring my message to the world, all iranian want democratie, we love
europenne people we love american people, please bring this message
to the world" mot pour mot c'était ça, puis il
est parti. Vous n'êtes certes pas le monde mais bon c'est un
bon début!!!
Ce qui est le plus incroyable en Iran c'est le naturel avec lequel
les gens offrent, pour eux il n'y a rien de plus normal ; un
jour je demande du pain dans un village pour manger avec mon thon,
5 mn plus tard j'ai une assiette de riz devant moi, du poulet, de
l'eau, du thé et un sachet plastique plein de pain sans que
personne ne semble étonné de rien, c'est normal, tu
as besoin de manger on te nourrit! |
|
Encore une fois je me demande pourquoi il faudrait
avoir peur de l'Iran, pourquoi ce pays a si mauvaise presse chez
nous, pourquoi me suis-je demandé si c'était bien de venir ici. L'Iran
est un des pays les plus sûr du monde pour voyager et également
des plus accueillant, je suis désolé ma chère
patrie, ma chère nation (ça fait beaucoup ça
d'accord, le pays écrit sur mon passeport),je ne peux pas
avoir peur, je ne veux pas, j'aimerai pouvoir faire des efforts mais
même cela m'est impossible, trop c'est trop, l'Iran m'a trop
bien accueilli tout le long de mes tours de roue pour que je puisse
m'accorder avec le mode de pensée des "milieux autorisés".
Le goudron en Iran est super ce qui permet de rouler vite, en fait
tout ici est fait pour que ça aille bien a condition d éviter
les route où il y a du monde et des camions qui changent de
vitesse juste devant toi, changement de vitesse effectué dans
un nuage de fumée non négligeable. Ah ! un jour
le monde entier roulera à vélo, inch allah!
En Iran en fait tout semble facile, mon vélo marche bien,
il fait assez beau, les routes sont bonnes et les gens sympas, que
demande le peuple; mes roues avancent et se pointe bientôt à l'horizon
Ispahan, descente plus vent dans le dos me permettent de faire les
140 derniers km en 6 heures et ça met du baume au coeur quand
on se souvient des 30 km en 10 heures de poussage dans la boue géorgienne!!
Je descends dans un hôtel à Ispahan et la première
chose que je fais c'est compter ce qu'il me reste d argent, 6.8 euro!!
je viens de passer 10 jours avec un euros vingt, ma foi pas trop
mal!!! ce pays me plait vraiment!!!!
On est jeudi, c'est le WE, les banques sont fermées jusqu'à samedi
(le WE iranien c'est jeudi vendredi) alors il faut attendre pour
savoir si ma petite soeur a réussi à me sauver la mise
encore une fois! Il me reste 5000 rials (50 cents) je
commence à me poser des questions, je ferme le livre que je
suis en train de lire et pars pour les dépenser sur Internet
et savoir dans quelle merde je suis!! Je descends les escaliers et
tombe sur Rod, j'ai finalement été un jour plus rapide
que lui et il me sauve la mise en me faisant un crédit! Ouf!
la vie est bien faite car le virement n'a pas pu se faire ;
putain pour prendre l'argent les banquiers n'ont jamais de soucis,
pour le donner c'est pas pareil!!! Si c'était juste pour pédaler
je ne serais pas inquiet mais voilà il me faut aller faire
des visas et j'ai pas trop de temps à perdre. mon écrit
effectué je pars en bus pour Téhéran histoire
de faire mes visas tadjik et turkmène.
Téhéran c'est simple, c'est l'enfer. N'y allez jamais
ou alors de façon très brève! Un trafic de malade
mental, une ville surpeuplée avec rien à voir du tout,
le seul truc positif c'est que les filles portent un voile qui parfois
peut laisser voir les cheveux!
Et puis moi les « visas sessions » je déteste
alors forcément je ne peux aimer une ville où je dois
en faire. Enfin c'est la vie pas le paradis!
A Téhéran après une journée de merde
(ambassade tadjik fermée le samedi, il couple les WE européen
et iranien eux pas de soucis), à courir entre les bus, le
métro et autre, il me faut aller chercher un billet de 1 dollar
quelque part car le visa turkmène c'est 31 dollars, payable
en dollars et en billets imprimés après 2003, non mais
vraiment ils aiment nous faire chier. De retour de cette entreprise
réussie je tombe sur.......Etienne et Romain! en train de
commander deux glaces, trois quand il m'ont vu! Téhéran
c'est 15 millions de gens, les chances de se retrouver comme ça
sont assez minces mais j'ai les dieux avec moi ,car forcément
j'ai sacrément limité en tunes car mon crédit
est utilisé pour payer les visas principalement! alors une
glace puis un plat de pâtes c'est du gros cadeau. Soirée
exceptionnelle, avec gens exceptionnels, la vie est belle, et ça
les ambassades n'y peuvent rien!
Une fois mon visa tadjik dans mon passeport et mon visa turkmène
demandé, je retourne à Ispahan par le bus de nuit. A peine
arrive je commence à charger le vélo, je ne peux pas
payer l hôtel de toute façon! A ce moment Rod sort de
sa chambre, il allait partir pour Yazd ce matin aussi après
un détour en bus à Chiraz et ben « let s
go man! ». Ma soeur a entre temps réglé mon
problème d'argent, il faut juste que je sois un peu patient
et ça devrait arriver entre les WE des deux pays plus un jour
férié en France, patient je le suis enfin je n'ai pas
le choix, mais l'envie de me payer moi-même une glace commence à sacrément
me tourmenter!!!
Le temps d'acheter des pâtes et de la mayo et je pars avec
Rod, direction Yazd, mais on décide de la faire par le désert
et les petites routes, loin des camions et ce ne fut pas une moitié de
bonne idée.
Classique sortie de ville. Comment font les gens pour vivre en ville,
je ne comprendrais jamais! Enfin à part le fait que je perds
une chaussure et qu'il nous faut retourner en arrière sur
quelques km quand je m'en rends compte (elle était attachée
sur mes sacoches) car il y a mes semelles sans lesquelles je suis
un peu handicapé ; c'est pas ma faute je suis né avec
des pieds de merde! Mais la chance fait qu'on les retrouve et du
coup on peut quitter sereinement la grande route pour notre première
expérience de désert à nous deux.
D'abord facile, un canal cache le désert puis a un moment
celui-ci s'arrête : en 50m tout change, le goudron se
termine, eh oui ! pas d'eau, pas de vie, c'est la plus grande
leçon du désert, on l'apprend en 5 mn, et puis il n'y
a plus rien, une piste bordée de part et d'autre par une infinité qu'on
ne cerne pas bien vu que le regard ne porte pas loin à cause
de la chaleur, pourtant des montagnes donnent des repères
et cassent un peu cette infinité. Le désert semble
planter une paille directement dans le corps et aspirer tout ce qui
est liquide ; boire, boire et reboire, difficile de poser une
bouteille dans le porte bidon ; 1 litre, 1 litre et demi par
heure, c'est la moyenne ; il faut le porter et surtout le drame
c'est quand on entame la dernière bouteille avec cette question
où peut-on remplir? De l'eau, j'ai besoin d'eau. La valeur
de ce liquide change, je savais déjà sont importance
mais là notre vie repose sur ces bouteilles en plastique
sanglées sur nos vélos, plus jamais je ne boirai de
l'eau de la même façon, c'est la conclusion du premier
jour, l'eau est le meilleur liquide du monde surtout quand au milieu
de nulle part une carrière abrite un frigo et de l'eau fraîche.
A peine un « Salam » de lancé et les
casseurs de pierre nous offrent des bouteilles du précieux
liquide, pas besoin de demander ni même supplier. Après
c'est 80 km où tu ne peux même pas envisager de t'arrêter
tellement il fait chaud et faute d'ombre la première gorge
fraîche n'a absolument pas de valeur, je crois même que
s'il fallait payer je serais prêt à le faire. Mais la
valeur, ou plutôt la « non-valeur » de
l eau (son « inchiffrabilité » monétaire!)
est connue par notre hôte encore bien mieux que par nous.
Les gens du désert savent au mètre près où se
trouve l'eau et sa qualité, il suffit de leur demander, s'ils
disent 2.5km c'est2.5 km, pas 2.6 ou autres et ça c'est agréable!
Les 300 km jusque Yazd passent vite, un peu trop vite, pas vraiment
le temps de rentrer dans le désert mais une bonne première
prise de pouls.
Yazd, oasis au milieu du désert, petites ruelles, maison
en terre cuite, la ville est plaisante, de ces villes où il
y a une atmosphère, et puis on trouve un bon hôtel dans
lequel je me serais bien un peu posé mais voilà il
faut que je retourne à Téhéran pour mon visa
turkmène, puis a Ispahan pour étendre mon visa iranien
(la ville a la réputation d' être une bonne place pour
cela) et pour récupérer de l'argent.
Téhéran 2 n'a pas changé, toujours aussi désespérément
inintéressante et ennuyeuse, mais quand à l'ambassade
turkmène on m annonce que je n'ai que trois jours de visa
au lieu des 5 normaux et des 7 demandés en cas de contretemps,
je sors un peu de mes gonds, 3 heures de négociation et finalement
j'aurai les deux jours supplémentaires si importants pour
moi : il y a plus de 500 km à faire au Turkménistan,
5 jour c'est un minimum si l'on n'est pas capable de commander le
vent!
Ispahan, cette fois mon argent est là, grand merci à Stéph
qui a tout fait pour que je le reçoive et me sauve la mise.
Du coup je peux étendre mon visa, acheter un nouveau pneu
car le mien a craqué entre Tabriz et Ispahan et
vu que je n'ai pas grande confiance dans ma couture même si
elle est couplée avec un de mes nouveaux meilleurs pote, la
colle silicone,… un nouveau pneu s'impose. J' en profite pour acheter
quelques trucs de rab histoire de contrer la malchance en temps venu
mais cette dernière semble vicieuse!
Retour a Yazd le temps de deux journées de réel repos
dans un hôtel pas trop mal qui fait l'erreur de proposer des
petits déj à volonté, et même s'ils sont
chers, garanti j'en ai eu pour mon argent, 3 heures de petit déj
furent un minimum et quand on me dit à volonté c'est à volonté,
pastèque, froga, tomates, café, thé, dattes,
omelette, yaourt........je suis sûr qu'ils ont maintenant interdit
les cyclistes!! En tout cas c'était délicieux et je
cherche dans ma tête à quand remonte mon dernier petit
déj de cette qualité sans parvenir à le trouver.......qu'importe
celui-ci fera bonne date.
Malgré cela il me faut repartir parfaire ma marque de bronzage!
Et oui en Iran on peut rouler en short, personne ne m'a jamais rien
dit et forcément on se retrouve avec une apparence de cycliste
sans jamais parvenir à en être un réellement.
Aujourd'hui la marque du cuissard me semble gravée sur ma
peau pour un bon bout de temps, ça donne un look incroyable!!
Je la dois en parti à Etienne cette marque car rouler en cuissard
moulant ne serait pas toléré, mais ce dernier m'a offert
un short baguy qui permet de rendre possible les jambes à l'air,
je lui dois aussi la casquette qui a sauvé ma petite tête
de l'insolation ce qui n'est pas rien, merci! Et puis c'est un short
de marque et ça fait pas rire, tout le monde croit que je
suis un grand cycliste avec ça, heureusement j'ai le don de
le rendre méconnaissable assez rapidement!
Et mais jambes, ce fut l'une des déceptions de Romain à Tabriz.
Quand il a vu mes jambes "mais elles n'ont pas grossies en 11000km!" et
ben non, désolé on fait ce qu'on peut avec ce
qu'on a mon pote!
Après Yazd on rentre dans du beau désert. Rod me précède
mais il prendra une route un peu plus directe que moi. Moi je suis
content d'attaquer le désert seul, de toute façon je
pense que c'est ainsi qu'on en prend toute la mesure. Des bouteilles
en plastique de partout sur le vélo, parfois jusqu'à 15
litres d eau me permettent de m'enfoncer dans le désert. A
première vu le désert c'est quelque chose de monotone
et d'ennuyeux, mais plus on apprend à le connaître,
plus on y découvre une forme de mouvement à travers
le vent, le sable qui bouge ou mes roues qui tournent et surtout
une forme de vie qui à titre personnel semble condensé dans
mon mètre 90 et les bouteilles d'eau que je porte, car la
première rencontre que l'on fait dans ce lieu par 45 degrés,
quand les lignes droites font 45 km et qu'on n'en voit pas la fin,
que le vent souffle de face à 45 km par heure et que le vélo
lui n'avance qu'à 4.5 km heure sur un plat montant, c'est
soi-même. Spécialement quand, une fois la grande route
quittée, on se retrouve seul dans un silence rare, assommé encore
un peu plus par le soleil qui cogne fort, très fort. On ne
transpire pas dans le désert, ou du moins on n'est jamais
humide, mais le sel qui envahit nos vêtements témoigne
de l'activité du soleil sur notre corps qui aspire l'eau que
l'on peine à faire descendre sans jamais arrêter de
boire pourtant.
Malgré cela le lieu est envoûtant, quelque part on
y retrouve les caractéristiques de la montagne, une sorte
d'hostilité réconfortante, d'immensité impalpable
et l'impossibilité de contrôler la chose. Je m' y sens
bien, je supporte bien la chaleur et seul le vent vient briser la
simplicité de mes pensées. Si les journées sont
chaudes et transpirantes, les couchers de soleil, en buvant le thé du
soir, jaune, rouge, orange.......effacent à eux seuls la fatigue
des jours pas trop ventés, pour les autres c'est dans la tête
que ça se passe alors....... Lorsqu'il est sans vent, le désert
apaise, j'ai du mal à comprendre que l'on puisse y aller au
volant d'un gros 4x4 qui fait plein de bruit et pollue. je me dis
que c'est manquer un peu de respect à l'élément
et ne jamais en prendre réellement la dimension. Aller dans
le désert avec la clim et sans porter son eau c'est comme
aller en montagne en hélicoptère.......c'est sûrement
très con mais je suis convaincu que si on ne monte pas la
côte soi-même, on ne peut pas apprécier la descente,
et ici la descente c'est les oasis, de l ombre, de l'eau et surtout
les gens qui les peuplent, toujours surpris de te voir là,
mais toujours accueillants : les pastèques arrivent,
le pain m'est offert avec un peu de fromage, du thé, des oeufs
au plat, des éternels sourires. La vie est belle, comme s'il
y avait un sens plus aigu de sa valeur. Sur les 1000 km qui séparent
Yazd de Marchad je n'ai jamais eu à acheter mon pain, pourtant
en cherchant tous les jours à en acheter, incompréhensible.
Si l'oasis possède un frigo, on m'offre l'eau sous forme de
bouteilles congelées ce qui laisse à peu près
une heure d'eau fraîche en vue, ce n'est pas rien!!!!
Pourtant le désert a un immense défaut, pour un cycliste,
le vent! Un sort où je sors d une oasis refusant une invitation
pour la nuit dans l espoir de faire encore quelques dizaines de km,
le vent se lève, revient de son tour du monde crier une colère
qui ne m'arrange pas vraiment. Je dormirais 6 km après l'oasis,
après plus d'une heure de vélo, je suis dégoûté mais
ce n'est que le début. Quand le vent s'invite tout se complique.
Au début on se dit c'est juste du vent mais petit à petit
il semble qu'il nous pénètre se frayant
un chemin dans notre inconscient et gare à celui qui n'a pas
tout bien rangé. Il exploite la moindre de nos failles jusqu'à nous
rendre complètement fou, en être à lui jeter
des pierres comme les népalais dans l'espoir vain de le faire
taire, car ce n'est pas seulement physiquement que l'on paye l' addition
du vent de face mais surtout nerveusement! Cette nuit là il
me faut passer la nuit à tenir la tente, je crois rêver,
je suis au col sud de l'Everest pas au milieu du désert iranien,
ce n'est pas possible ! Le matin thé au sable car il
ne s'est toujours pas calmé et surtout ma cassette et ma chaîne
qu'il faut nettoyer avant de pouvoir espérer partir fatigué par
une nuit qui fut trop courte et une journée que je sais déjà trop
longue. Après 100m de vélo je comprend direct l'ampleur
du problème, il me faut alourdir le côté droit
de mon vélo d'où vient le vent afin de rendre ce dernier « conduisible ».
C'est un truc de malade ce vent, bon je suis un peu malade, on va
s' entendre non? Je sors également l'arme fatale contre le
vent: le mini-disque avec un MD de Goldman qui semble étrangement
adapté au vent même si ce jour là il est difficile
d' entendre les paroles tellement se f....... b....... wind souffle
fort.
"Encore un matin, un matin pour rien, une argile au creux de
mes mains sans raison ni fin, si rien ne trace son chemin"....voilà des
mots qui posent bien le problème, plat montant, petit plateau,
5km heure, ça n'avance pas et pourtant j appuie, promis!!
Alors ce matin là je maudit et méprise le vent mais
pas question de laisser tomber mais plutôt de résister,
après tout ce n'est qu'un jeu, on va le jouer c'est tout.
Mais le vent est une des choses qui échappe à la théorie
des montées et des descentes, il est trop volatile, imprévisible
et là il est trop fort.....Ce matin là je me sens un
peu victime de sa cruauté ; pourtant puisque c'est moi
qui décide du sens je crois que je vais bousculer les évidences
et c'est sûr c'est un matin pour faire un rêve plus long
alors tournons les jambes!
Je ferai mes putains de 100 bornes même si je les arrache
un peu, terrible impression de sur-place, les seuls moments où l'on
a l'impression d'avancer c'est quand on est arrêté en
train de boire du thé, loin du sable et du vent, autour de
pain et de fromage.
Changement de chanson, " dans le méandre des inconscients
il se promène inconsciemment, et tout un peu tremble et le
reste s'éteint juste dans nos ventres, un nœud, une fin (ou
faim, je fais de tête), il fait roi l'esclave et peu damner
les saints, l'honnête ou le sage.... et l'on résiste,
l'on bâtit des murs....terroriste il fend les armures, un instant
tout est balayé....tu rampes et tu guettes....il s'invite
quand on ne l'attend pas, quand on y croit il s'enfuit déjà......il
nous laisse vide et plus mort que vivant c'est lui qui décide,
on ne fait que semblant, il choisit ses tours et ses va et viens,
ainsi fait le VENT et l'on n'y peut rien", c'est sûr Goldman
faisait du vélo et il a du en chier lui aussi, l'analogie
de la fin pourrait presque me faire sourire, mais c'est déjà l'heure
de planter la tente, toujours le même vent, juste le repas
plus sableux que d'hab. Et encore une nuit où la tente sera
bien secouée....le vent continue le lendemain, ça dure
deux jours avant que je n'entende la conclusion du même chanteur
(il a bien ordonné sa disserte) : "et même
s'il faut partir, changer de terre ou dépasser, s'il faut
chercher dans l'exil l'empreinte de mon espace, et même si
les tempêtes, les dieux mauvais, les courants nous ferons courber
la tête, plier les genoux, sous le vent j'irai........" sauf
que peut-être la raison y commence à ce bout. Goldman hante
ma tête vu que seules ses chansons marchent sur mon minidisque,
que mon minidisque de Renaud est HS, alors même s'il y a le
dernier "et même" j irai au bout de ce désert,
vent de face ou pas je passerai ; cela accepté, le vent
baisse les bras mais ce n'est pas si facile à accepter dans
toutes les couches d'un inconscient!
Marshad après 970km en 9 jours, dont 160 le dernier jour
vent de face sur 130 km avant que le vent ne baisse les bras, après
10 heures le cul sur la selle, j'ai juste cassé un rayon sur
cette traversée, ça m'étonne moi-même,
même si quand il a pété je n''ai pas rigolé vu
qu'il m' a fallu passer une heure à le changer en plein cagniar,
le temps d'enlever les sacoches, le pneu....la cassette, car bien
sûr ça arrive toujours de ce côte sinon ce n'est
pas drôle!!! Mashad est la ville où j éprouve
un immense besoin de bien bouffer, besoin de fruits et de légumes,
mon corps réclame à corps et à cri de la verdure,
des vitamines, alors moi qui ne suis pas compliqué je lui
offre cerises, fraises, oranges, abricots, pastèques, concombres,
tomates pommes de terre......l'orgie végétarienne pour
deux jours et puis j'ai trouvé, enfin « j'ai » ce
n'est pas le bon pronom, on m'a trouvé une chambre avec cuisine,
salle de bain, WC, télé.... pour 5 dollars, alors c'est
le paradis! Lola aussi a besoin d'un peu d entretien histoire de
tenter d enlever le sable qui est de partout.
Quand j'i dit à mon père que je partais en vélo,
il ma répondu " toi, mais tu ne sais pas changer un pneu",
ce qui était putain de vrai mais là, dans une ruelle
de Mashad,je refais mes moyeux, redresse mes roues, refais les roulements
de mes pédales..... avec pas de la facilité mais en
tout cas rien ne m'étonne plus, je commence à presque être
habitué à avoir les mains noires et même si je
continue à rêver d'axe de pédalier en XT je me
dis que pas grand chose est impossible finalement.
A Mashad je retrouve Romain de Tabriz, ses cuisses ont-elles grossies ?
Je sais pas en tout cas il roule toujours et le pire c'est qu'il
aime ça! Cherchez pas à comprendre, prenez un vélo!
Il doit partir un jour avant moi car nos dates d'entrée au
Turkménistan sont fixées lui le 28 moi le 29 mai, putain
de visa! Et moi j'ai besoin de rester une nuit de plus pour récupérer,
je me fais vieux faut pas l'oublier!
Le Turkménistan c'est où? Ben même eux ne le
savent pas vraiment, pour nous c'est 500 km à traverser en
5 jours et pas moyen de discuter, la dictature semble bien rodée
dans ce pays où les librairies sont "spirituellement
légales" dixit leur panneaux, où les portraits
du Turkmenbachi (leur président dictateur) sont de partout
et où les flics sont encore plus nombreux qu'en France les
jours de retour de vacances. Certes ils ont des statues en or qui
pivotent avec le soleil mais par contre les routes sont pourries,
fini le confort iranien, fini la facilité iranienne, retour
dans un pays où les « atkouda » fusent
de partout mais où les gens encore une fois ne font pas honneur à leur
gouvernement et à l'enfer de leur bureaucratie en étant
très hospitaliers. Et puis au Turkménistan je (on,
tous les voyageurs quittant l'Iran) retrouve les femmes, prenant
un peu la mesure de leur absence en Iran quand on se met a regarder
avec de grands yeux des cheveux, des chevilles, on peut
même leur parler et elles nous répondent, bon certes
les dents en or dont elles (et ils mais je regarde moins j'avoue)
sont si fiers c'est pas trop mon truc!!! Dommage que comme toujours
tout commence par une douane où ils ont encore le culot de
nous demander 11 dollars ; je ne peux retenir un " fuck
off" qui ne plait pas mais ne choque pas, je ne dois pas être
le premier à le laisser échapper! Et puis je n'ai pas
1 dollar et ils rendent pas la monnaie, heureusement un routier iranien
me sauve la mise, tient c'est le même qui m'a offert des biscuits,
des jus de fruit ce matin; l'Iran me manque déjà, à la
douane, où le soleil a disparu, des visages pour la froideur
des officiers ex URSS qui osent te demander où tu vas 5 fois
de suite : " ben peut être au Turkménistan
du con'' .
Bien sûr je n'ai pas de carte donc je demande et on m'indique
la bonne direction hormis le fait que c'est 70 km plus long qu'une
autres route plus courte mais ça je le saurai en regardant
une carte une fois le pays quitté! Début facile, je
roule tranquille, on m'avait parlé de désert, tout
est très vert pendant deux jours, ça me va, j'ai même
la malchance de prendre la pluie ce qui me vaut le droit de tout
nettoyer le vélo car je campe sur un chemin de terre qui s'est
transformé en une boue qui a collé de partout sur le
vélo le rendant « inroulable » et ce
en moins d'un km de cette piste, pas de bol. Alors lavage dans le
canal, le fameux dont j'ai oublié le nom, mais celui que les
russes ont fabriqué afin d'augmenter la culture du coton au
prix minime de l'assèchement de la mer d'Aral car ils ont
dérivé son fleuve d'approvisionnement, le tout en étant
conscient de la catastrophe écologique avant le premier coup
de pioche : c'est beau le progrès. Sur le coup ça
m'arrange pour laver le vélo mais c'est aussi à cause
de lui que le soir c'est infesté de moustiques! Je n'aurai
jamais cru qu'on pouvait laver à l'eau noire mais finalement
si, ça lave, ce n'est pas un privilège indien, car
la scène me fait penser aux chauffeurs indiens qui lavent
leur camion dans le Gange ou autre, mais bon l'Inde c'est encore
loin!
Pourtant sur une carte si je regarde, quand j'en trouve
une ça devient proche, certains me le rappellent d'ailleurs,
moi je n'ose y penser car ça me fait peur, proche trop proche,
mais plus j'avance, plus une idée semble s'imposer à moi :
arriver à KTH, jeter Lola dans un avion et débarquer à Paris
un peu plus tard je n'en aurais pas la force, peut être que
le Tibet et le Pamir me soigneront suffisamment pour changer d'avis,
mais aujourd'hui pourquoi pédaler? pourquoi pas! on repousse
un peu la chose loin dans les choses que seul le vent voit et on
verra bien se qu'il emporte et ce qu'il laisse au moment venu........
A propos de vent tient, il se lève une fois le canal quitté quand
le désert s'impose de nouveau avec son sable, ses scorpions,
sa route pourrave, son soleil, ma foi pas pire car le vent à ce
mérite : il rend la température supportable et
bien sûr son vent ; plus j'avance plus le vent se durcit,
j'échoue dans un café pour de l'eau, je tombe sur le
troisième message de Romain, le premier en Iran glissé à un
petit resto me disait courage contre le vent mon ami, le deuxième était
un gros "Seb" écrit avec des pierres sur le long
de la route, le troisième un mot dans le livre d'or du café.
Ce malade de Romain avait fait 190 km dans la journée pour
quitter au plus vite ce pays. Sa journée d'avant lui a permis
d'échapper à trop de vent et de sortir une journée
plus vite que moi du pays, Romain tu es un gros malade! Deuxième
café avec un super livre d'or, les premiers cyclistes dans
les années 90. D'ailleurs il semble qu'il n'y a que des cyclistes
qui s arrêtent ici, deux trois marcheurs, un coureur à pied
(Serge) et des motos occasionnelles et le monde roule à vélo,
c'est cool, ceux qui rentrent d'Asie, ceux qui y vont comme moi....Trouver
ce livre d'or au milieu du désert c'était la dernière
de mes attentes, j'y ai écrit que j étais "le
plus heureux du monde mais que j'avais beaucoup de concurrence alors
va falloir continuer à bosser!!" Eh bien les deux crevaisons
du lendemain et le vent qui amplifie, amplifie, amplifie, n'y ont
rien changé, même après m'être perdu dans
Turkmenabat l'une des villes les plus moches que j'ai vu!
Frontière, 5 jours, c'est court mais on ne choisit pas, à celle-là tout
le monde parle anglais, on me tamponne vite mon passeport et déjà c'est
l'Ouzbékistan, mais une frontière n'arrête pas
le vent et c'est bien dommage, quand je vous dis que les douaniers
sont bons à rien!
100 m en Ouzbékistan, un rayon, ben ça commence fort,
très fort, puis du vent, du vent très fort, collé à 10
km heure sur le plat, mini disque sur les oreilles comme au Turkménistan
d ailleurs quand ça vente c'est une bonne arme et puis pour
le Turkménistan Goldman a encore trouvé les mots " et
même si le temps presse, même s'il est un peu court,
si les années qu'on me laisse ne sont que minutes et jours.............." le
soir, alors que je désespère de trouver un endroit
ou planter ma tente, on m'invite à dormir. Je me dis tient
lui il me sauve la mise c'est cool ; repas à la vodka,
tout va bien, tout se passe bien, on rigole bien, mais quand il commence à vouloir
me vendre sa femme pour la nuit ou au choix celle du voisinage pour
3 dollars, je commence à me tendre, la vodka ne révèle
pas le meilleur de ce gars; il voit que je commence à ne plus
trop l'aimer, je tente d aller me coucher, il essaye de me retenir
par une deuxième bouteille de vodka, peine perdue je n'aime
pas ça! Puis alors que je suis allongé il vient me
réclamer des sommes de ouf pour la nuit, je n'ai pas le goût à faire
monter le ton, me lève en silence, « repackt » le
vélo et à plus de minuit part, lui tout penaud, je
plante la tente 300m plus loin. Au matin tout le voisinage plante
l'histoire et sa cote de popularité qu'il s efforçait
de maintenir haute en paradant avec moi la veille en prend un coup....
Ah ! l'Iran que c'était facile .......surtout que là c'est
encore un matin, un matin pour rien, il reste 70 km jusqu'à Boukhara,
en théorie rien mais avec le vent il me faudra
plus de 7h pour les plier avec d innombrables poses pour refaire
le moral. A midi je m arrête pour manger, quelqu'un s'assoie à côté de
moi, je lui propose de partager mon repas, le temps que je cherche
les photocopies de mon passeport pour un flic véreux qui traîne
là et qui n'aura pas la chance de poser ses doigts sur mon
passeport, et l'autre m'a sifflé tout mon repas et ma bouteille
d eau! Où est l'Iran où l'on était honteux car
jamais personne n'accepte un biscuit de notre part, là-bas
on était les invités, on devait recevoir et pas offrir,
ici ça change! Plus tard Romain proposera un bonbon à un
gars qui ne voulait pas nous filer de l'eau, enfin juste une bouteille,
le gars plongera la main dans le sachet et sortira une pleine poignée
sous le regard d'un Romain qui ne peut y croire!
Romain je le retrouve à Bukhara après une journée
de calvaire, le hasard fait que l'on se croise, des fois le hasard
fait bien les choses, je suis extenué le vent a gagné cette
bataille. "Mais tu sors de l'enfer toi", pas loin oui,
je suis tout poussiéreux, le sable et le vent m'ont brûlé les
yeux, je suis mort mais son sourire et son accueil efface en deux
minutes la souffrance de la journée. C'est la beauté et
la magie du vélo en voyage, et puis devant la première
bière qu'il m offre tout va pour le mieux dans le meilleur
des monde! Quand j'offre la deuxième tout va encore mieux
mais on ne peut plus se lever, deux mois en Iran rendent la cuite économique!!!
Romain traîne dans Boukhara depuis deux jours ce qui me rend
bien service, il a dompté de fort belle manière les
requins à touristes qui traînent du côté du
minaret. Comme il me le dit, premier jour 1 litre de yaourt 1 euros,
après deux jours c'est déjà 30 centimes! Il
les connaît toutes car le profil type du requin c'est une jeune
fille de 15 ans qui parle une dizaine de langue et correctement,
assez de français pour ta gueule pauvre con! Elle ont la maturité loin
de leurâge et sont très dures en affaire, le business à Boukhara ça
fait mille ans que ça dure. Du coup on me trouve une chambre
avec repas du matin et du soir plus lavage de linge pour 5 dollars,
le moindre hôtel c'est 10 dollars ici ; mais les requins
nous aiment bien, enfin elles aiment beaucoup Romain et encore plus
son MP3, et encore une fois le vélo nous donne un statut un
peu spécial. Ici tout est business, après l'Iran où les
négociations sont faciles, toute chance d'acheter un truc
est un combat si l'on n'est pas prêt à payer deux fois
le prix, mais bon on s'en sort bien, nos requins nous aident, parfois
même on paye moi cher qu'elle car même entre eux ils
se font pas de cadeau. Business is business, chacun pour sa gueule
sans que cela n'ait rien d'anormal, bien au contraire. Ainsi Romain
s'est vu réclamé deux billets de 10 dollars contre
un de 20 ; quand il demande pourquoi la fille lui répond
que comme ça elle peut en garder 10 et en donner dix à sa
mère car elle a vendu plus cher que ce qu'elle devait!!! Il
n'y a pas de règle, c'est comme négocier tout, jusqu'à la
moindre carte postale, la moindre minute d'Internet, c'est usant
mais c'est la vie pas le paradis!!
Le temps de digérer le vent de l'arrivée et on repart
ensemble. Toujours du vent mais moins fort ça va. D'ailleurs
tous les cyclistes qui traînent dans les environs ont payé un
lourd tribu au vent, un japonais a fait 13 km en un jour avant de
baisser les bras alors qu'il a 30000 km au compteur et on peut pas
dire qu'il n'a pas la caisse, Rod au Turkménistan prendra
un taxi pour se donner le temps de visiter Merv, temps que le vent
lui avait volé, un autre couple de français a très
mal digérer le Turkménistan car ils sont passés
1 ou deux jours après moi ont eu les 5 jours de vent alors
que je n'en ai eu que trois, grosse différence!
Mais à deux la route est beaucoup plus facile et puis Romain
appartient à la même espèce de voyageur que moi,
pas trop stressé par la vie, pas trop planificateur, ce qui
laisse plein de portes ouvertes et capable de manger des pâtes
mayo, donc forcément on s'entend bien sauf quand il décide
de mettre des sacs pour me tester comme il dit! Ah le salaud!! En
attendant les trois jours de route jusqu'à Samarkand sont
avalés très facilement, on ne se presse pas mais on
avance quand même, moi je commence à sentir le gros
besoin d'un break, un gros pour refaire les jambes et le moral ,j'ai
fait près de 5000 km en deux mois et ça commence a
se sentir, les « atkouda » me fatiguent anormalement,
je trouve la route trop pourrie alors qu'objectivement elle est largement
roulable.....
Heureusement Samarkand a ce qu'il me faut, un bon hôtel, de
ses places de voyageur, tout le monde ici compte son temps de route
en mois, plusieurs cyclistes, pas cher et reposant........Je peux
enfin étaler le contenu de mes sacoches dans la chambre et
ainsi en faire un bordel qui est digne d'un chez moi et c'est bon!
Bon les connexions Internet sont très lentes mais bon on ne
peut pas tout avoir! Du coup ça fait une semaine que je ne
fais rien, pas le goût de me ruer dans les sites exceptionnels
de Samarkand, pas le goût de me lever tôt, le goût
de discuter jusque tard le soir autour d'une bière avec des
motards qui arrivent du Vietnam (www.desrevespleinlemonde.com, projet
intéressant) , des Suisses qui vont en Russie et qui ne devraient
pas tarder à prendre un vélo (j'y travaille, il
me manque un 50 % de conversion pour accéder au paradis) des
cyclistes français qui vont un peu partout, Rod qui nous rejoint.....bref
des gens de ma planète. La communauté « voyageante » est
quelque chose de très intéressant, les motivations
de tous sont si différentes, mais finalement le résultat
vu de l'extérieur peut sembler proche et tout cela n'est pas
sans poser des questions. Et puis il y a les discussions classiques à propos
de ce qui semble tous nous hanter, les frontières, les visas,
les routes passables ou non. Douchanbe, très mauvaise place
pour le visa chinois et merde, ç'est là que je dois
faire le mien, pas le goût d'aller à Tachkent et de
payer 3 fois le prix pour l'avoir, s'il y a un dieu du visa ça
m'arrangerai qu'il jette un coup d'oeil sur Rom et moi la semaine
prochaine!!! Faut se détendre, ça va bien se passer
et puis si la Chine ne veut pas de nous on trouvera toujours une
route, je ne suis pas inquiet. Rom et moi on est l'équipe
des mal informés, sûrement que l'on est trop jeune,
cette philo du ça va l' faire nous occupe, d'ailleurs ça
se voit un peu sur nos vélos, Lola ne laisse guère
indifférente les cyclistes équipés en XT et
le vélo de Romain vient d'Iran, comme ça acheté sur
le tas et parti, et ça, ça se respecte aussi, faut
le faire, il l'a fait! Mais les blagues sont toujours bon enfant,
aujourd'hui tous les cyclistes sont partis faire leur visa à Tachkent,
inquiets de perdre leur axe de pédalier, leur jante incassable
.....bref tout ce qui nous manque à nous qui partons demain
pour manger le Pamir, à moins que ce soit lui qui nous mange.
Par contre dans le rayon « on a de la chance » aucun
de nous deux n'est malade, pourtant on est les seul qui boivent l'eau
du robinet sans jamais la traiter. C'est le deuxième sujet
important à l'hôtel car tous les cyclistes ont choppé un
sale truc au Turkménistan, nous on touche du bois en buvant
l'eau fraîche du robinet. Moi je suis heureux, 9 mois pas une
chiasse sérieuse, pas un réel mal de ventre, c'est
bon ça, très bon, pourvu que ça dure (avec ou
sans e!!!) que le vent et les roues tournent et il n'y a pas de raison
que je ne reste pas l'homme le plus heureux du monde!!
Les poses c'est bien, mais là ça commence à me
démanger et les 500km de montée qui nous attendent
commencent à me faire sacrément envie, j'ai même
fait des photocopies d'une carte, vous avez qu'à voir si je
suis prêt!! Seul souci mon axe de palier qui a de gros signes
de faiblesse. Ici il a fallu que je le sorte et pour cela il a fallu
un système de sioux vu qu'une des vis était complètement
bloquée. Impossible à avoir avec la clef à alène,
du coup on l'a attaqué au burin dans l'unique atelier de vélo
de la ville où le dernier vélo étranger que
Vladimir le réparateur a touché est celui de Heinz,
la légende des cyclos, traveller 400 000 km dont 375 000 avec
le même vélo avant de se le faire voler, le tout en
un voyage de 40 ans!!! et bien sûr il est toujours sur la route.
Mais même le burin de quelqu'un qui a touché le vélo
de Heinz ne peut sortir ma vis qui est maintenant foutue; je la contemple
un peu soucieux quand l'idée me vient : il me faut un
soudeur, Vladimir me trouve cela en deux secondes, bon il doit avoir
14 ans mais c'est un génie de la soudure, il me soude une
deuxième vis sur la mienne et après plusieurs échecs
vu que la soudure pète, fait un système de ouf et appelle
un gros malabar qui me fait tourner la vis : le problème
n'est pas résolu mais au moins je peux contempler mon axe
de pédalier et voir que je ne peux rien faire, absolument
rien, s'il pète j'ai mes yeux pour pleurer, mais il pètera
pas hein putain d'axe tu vas pas péter?
Vladimir nous conduit le lendemain pour acheter des chambres à air
russes, on dirait que c'est moi qui les ai faites, mais mes crevaisons
dans le désert m'ont coûtées ma dernière
chambre car avec la chaleur les rustines ne collent pas et ma collection
de rustines a pris un coup. Aussi je la complète avec des
rustines chinoises que je sais déjà que je vais maudire
au moment voulu, mais bon c'est la vie!!!
Maintenant le vélo est presque prêt a partir et moi
aussi, je n'ai pas fait tout ce que je voulais, impossible d'envoyer
mes photos d'ici. Il faudrait aller voir les douanes pour les faire
visionner et tout et tout ,je que je n'ai pas du tout
envie de faire et de toute façon pas le temps. Mon boulot
sur Internet a avancé, c'est certes un peu vite, un peu bâclé mais
bon je ne suis pas noté comme ceux qui passent le bac en ce
moment (bonne chance Vir) et puis le bac je l'ai déjà et
personne n'est obligé de lire mais si vous lisez ça,
après avoir tout lu vous vous êtes fait avoir!!!
Demain route vers les montagnes, on va quitter la chaleur, monter à plus
de 4000 et ça va être bon de ne plus avoir chaud, reste à ranger
la chambre, ça c'est pas gagné et à trouver
un titre à ce mail. Voilà une fin sans fin mais j'ai
le crâne qui explose par je ne sais plus combien d'heures d écriture.
Ecrivez votre fin, je vais rouler vers mon futur........
bises à tous
Seb
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