Pour continuer dans les références au lion.....le
titre c'est toujours le plus difficile à trouver, celui-là m'est
apparu quand tout allait bien, mais aujourd'hui je ne vois pas de
raison de ne pas l'utiliser et puis cela m'évite d en chercher
un autre!!!!
Pour ceux qui, par malchance ou par erreur (surtout s'ils ont vu
la finale de la Star Ac ou un match de foot à la place), n'ont
pas vu le roi lion : "ces mots signifient que tu vivras ta vie
sans aucun soucis, philosophie......."
Quitter Istanbul après près de trois semaines bloqué dans
cette ville, problème de visas, de paquet bloqué en
douane dont je n'ai même pas même pas envie de parler,
dans les deux cas ça a été long et ça
m'a coûté de la tune pour des choses que je ne considère
pas comme justifiées, donc forcement ça m'irrite un
peu!!! Je pars par la petite porte, ne tente même pas de traverser
le pont en vélo (ce qui est interdit) mais prend bien sagement
le bateau ; assez de problème ici, je veux juste partir,
juste quitter cette ville, juste ne plus entendre de voitures, de
bruit, juste voir des arbres, la mer, les montagnes sans la ville
autour. Je pédale pour m échapper de cette méga
grande ville et c'est long....
A vrai dire la première journée je ne pédale
que dans la ville. C'est usant car faut faire attention aux voitures
de partout, aux feux et on peut pas juste tourner les jambes en rêvant.
Et puis il neige et ça n'aide pas non plus, mais ce premier
soir quand je monte la tente, même sous la neige, je me sens
rudement bien, rudement heureux de reprendre ma route, même
si je suis fatigué, même si après tout ce temps
de vie avec un chauffage je suis un peu sensible au froid, même
si je ne monte pas la tente de façon bien habile faute d'avoir
des gestes bien réglés, même si je suis long à faire
tout ce que je fais très vite normalement.....je suis parti!!!!!
Les premiers jours je souffre beaucoup physiquement, reprendre le
rythme, le vélo est lourd mais lourd, qu' est ce qu'il y a
donc dans ces putains de sacoches....J'ai l'impression de pédaler
toute la journée et le soir le compteur n'affiche que 60 km
!!!! Quelle galère. Et puis je pensais que ce serait plat,
en fait ça monte et descend, un truc de fou, des pentes raides à plus
de 20% (je l apprendrais plus tard par quelqu'un de bien mieux équipé que
moi au niveau petite technologie qui dit tout sur tout). Bref, je
n'avance pas. Il y a ces jours où tout va bien, où tout
coule de source, et ces autres où on semble tout faire de
travers alors que l'on pense faire exactement la même chose.
Je ne sais pas trop comment expliquer cela. Le soir on trouve jamais
le campement facilement, l'eau pareille, pour monter la tente c'est
la pagaille, on est lent, le réchaud pareil, bref ça
roule pas.....
Cela dépend souvent de notre attitude face à la route
devant nous. En quittant Istanbul je fuis et je veux aller vite,
trop vite, vite vers quoi, vite pourquoi? Pour un putain de visa
iranien? Bah, ce n'est qu'un visa, pas la peine de se prendre la
tête pour ça. La Turquie c'est grand, mais je prendrais
le temps qu'il faut....A peine cela réalisé, quand
on ne pédale plus juste pour avancer mais pour le plaisir
de longer une mer magnifique, prendre le temps de s'arrêter
boire le thé aux multiples invitations que l'on reçoit
......alors tout devient plus facile et bizarrement en se résolvant à une
moyenne de 60km par jour on en fait une de 80, puis de 90.....la
route a des mystères cachés bien profondément
dans notre petite tête, dans notre petit cœur, et c'est toujours
marrant de découvrir un nouveau recoin.....
Après quelques jours je reprend le rythme, organise bien
mes journées et tout recommence à rouler naturellement.
C'est tellement agréable d'avancer sans forcer, sans même
penser à avancer....tellement facile....se donner des objectifs
de temps c'est bien ce qui pourrait rendre le voyage compliqué,
là, c'est redevenu facile. Il fait autant froid mais je prends
le temps de mettre la bonne veste au bon moment, de prendre l'eau
au bon endroit, de manger au bon moment et du coup tout est simple....Le
soir le camp se monte en très peu de temps, 1h30 entre le
moment où je pose le vélo et le moment où je
rédige mon journal avant de dormir,
1h30 pour faire une soupe, 2l de thé, des pâtes, monter
la tente, tout y ranger et surtout nettoyer le vélo et vérifier
que tout aille bien. Certaines nuits sont fraîches et oublier
de le faire ça veut dire voir tout gelé le matin et
passer une heure à casser la glace sur les jantes ou autre.
Alors les soirs où la route est humide il faut prendre bien
le temps de tout sécher.......et puis Lola aime bien qu'on
s occupe d'elle, même si elle roule extrêmement bien.
Les changements d'Istanbul sont une révolution : passer
d'un plateau à 28 dents à un de 22 à l'avant
c'est un bonheur inimaginable; ça mouline tout le temps ou
quand ça ne mouline pas c'est que c'est vraiment raide et
que sans le 22 ben cela aurait été vraiment dur.
Puis même le temps semble tourner en ma faveur. Une fois l'esprit
remit dans la direction que je juge juste pour voyager, je suis parti
sous la neige puis ai eu la pluie deux jours après mais
au jour de ma résolution le soleil brille et cela durera quasi
tout le long de la Mer Noire.. .à peine une Carline suffit,
un peu plus le matin mais rien de méchant, rien de ce qu'on
m'avait annoncé, tant mieux, je ne vais pas me plaindre...
La route est dure avec des constantes montées et descentes
jamais longues mais toujours raides et sans fin, ça semble
infini...... la Mer Noire on la longe sans la longer car on est juste
au-dessus d'elle et parfois on ne la voie pas pendant des heures,
juste un peu à l'intérieur des terres rentrer dans
une vallée en montant, en sortir en descendant, puis remonter
dans celle d'après..... C'est pas facile pour le moral mais
globalement ça se passe bien, quand le vélo va tout
va en réalité c'est surtout ça.
Je m offre des campements de luxe tous les soirs, de même
pour le midi : manger face à la mer, « tranquilou »,
prendre le temps de regarder ce monde magnifique qui m'entoure. Que
c'est beau la mer et c'est un montagnard qui parle !...
Plus la route avance plus ça semble s'aplanir et plus mes étapes
s allongent. C'est bon pour le moral et en plus le vélo s'allége
de la bouffe que j'avais achetée à Istanbul et ça
c'est pas désagréable non!!!!!!
Ma vie semble avoir retrouvé son rythme et celui des innombrables
thés que l'on m'offre, quand, à la sortie d'un village,
je vois un camping-car immatriculé en France!!!!!! Je regarde
bien la plaque car celles des turcs sont les mêmes ; mais
oui les autocollants des sponsors me font quand même pas vraiment
une impression turque!!! Derrière je découvre Laure,
la compagne de Serge Girard, qui effectue la connexion Internet du
jour.
Il faudra attendre le lendemain pour que je rencontre Serge en personne.
Serge a décidé de rallier Paris à Tokyo en courant,
rien que ça, et en courant tous les jours, pas de jour de
repos!!!! Sa logistique est beaucoup plus complexe que la mienne
(3 véhicules et 5 personnes) mais c'est agréable de
partager avec quelqu'un qui nous comprend quelques impressions de
route, notre haine des chiens, notre étonnement des côtes
(c'est lui qui me révèle le pourcentage des côtes).....je
passerais plus ou moins la journée avec lui, je suis un peu
plus rapide mais je m'arrête pour manger alors que lui non
car il se ravitaille tous les 4,5 km et puis je décide une
journée cool pour partager un peu avec lui de son exceptionnel
défi.....Nos façons de voyager sont différentes
et notre façon d'appréhender le voyage aussi, mais
il y a autant de façons de voyager que de voyageurs et je
ne me sentirai pas de dire laquelle est la meilleure mise à part
celle qui rend le voyageur heureux. Serge est un sportif voyageur
je me ressens plus comme un voyageur sportif, mais ce fut une agréable
journée et puis j'ai eu le droit à un café et
c'est pas tous les jours ça!!!!!!!! Et même j'ai été filmé par
une caméra avec des barres de fer qui se dirigent vers toi,
un truc à faire peur mais bon c'était contre une tablette
de Lindt alors forcément… quand on me prend par les sentiments!!!!!!!
Les dernier jours de Mer Noire sont plats et les étapes atteignent
jusqu' à 130 km sans que je me force vraiment, c'est bien
mais bientôt voila Tirebolu : un peu de nouvelles tablettes
de chocolat, de pâtes et de mayo dans les sacoches et j'attaque à monter.
Au programme plus de 2000m de dénivelé ce qui au début
m'inquiète, mais en fait la route s' élève tranquillement
avec très peu de passages raides et du coup c'est assez facile
et je ne m'en plaint pas...monter c'est aussi faire descendre le
thermomètre qui au réveil est maintenant largement
sous la barre des zéro sous la tente. Le record sera de -18
dans la tente sachant que mon thermomètre est en général
généreux de 5 degrés en comparaison des températures
affichées par les diverses enseignes. Enfin moins 18 c'est
ce qu'il marque, donc je le crois et puis entre -18 et -23 ça
ne change pas grand chose. Curieusement je ne souffre pas du froid,
c'est un froid sec, les froids que j aime et je suis bien équipé.
Je dirais même que j'aime ce temps qui me rappelle les séances
de ski vers Ristolas au mois de janvier quand la température
tombe sous les -25 dans la fosse à froid et que la neige craque
sous les skis. Ben c'est un peu pareil, la seule chose qui rend difficile
c'est le vent qui parfois se fait très gênant et surtout
pas très réchauffant. Un jour j'aurais la neige, puis
la pluie, quelque chose de pas drôle mais ce soir là comme
par magie on m'invite et je dors au chaud.....
C'est un truc assez hallucinant d ailleurs : je roule comme
d'hab, je suis trempé ce jour-là, je cherche un endroit
pour ma tente quand, comme souvent, on me fait signe "cai cai",
ha oui, un thé serait le bien venu ; je m arrête,
m'assoie auprès du poêle, le gars n'a pas de thé!!!!!Il
m explique que son resto est fermé et va ouvrir la semaine
prochaine, mais il voulait savoir ce que je foutais là, sous
la pluie, en vélo, ce qui est difficilement explicable et
compréhensible pour lui.
A force qu'on me pose toujours les même questions je sais
toujours quoi répondre : je ne parle pas un mot de turc,
mais je reconnais les questions ; en gros tu dis la prochaine
ville où tu vas, celle d'où tu viens, ton pays, ton
prénom, le nombre de km depuis la France et le nombre de mois
passé sur la route dans cette ordre c'est quasi toujours vrai!!!
Après on te demande où tu dors et ce soir là quand
tu montres la tente tu ne peux pas t'empêcher de penser à t'allonger
là, au bord du poêle, ce que bien sur il me propose
dans la seconde!!!! On m avait promis des bandits au Kurdistan (Est
de la Turquie ) en réalité ce sont les gens les plus
accueillants de la Turquie. Accepter tous les thés ça
voudrait dire ne pas avancer de la journée!!!! Alors ce soir
là, le bonhomme me confie les clefs de son resto et me laisse
y dormir et me sécher autour du poêle. Tu mets les clefs
sous le tapis en partant. Il ne semble pas réfléchir
plus que ça, tout semble si naturel dans sa démarche
comme dans celle de tous ceux qui m'offrent les thés. Tu t'arrêtes,
on t'offre un thé, tu repars....je doute cela possible en
France enfin qu'on te laisse les clefs d une maison comme cela!!!!!!
Enfin ce soir là je dors bien et repars sec alors qu'il a
plu toute la nuit, mais au matin il fait beau! « Akuna
matata » ! Elle est pas belle la vie.
En 18 jours depuis Istanbul je parcours les 1600km qui me séparent
d'Erzurum et suis moi- même étonné que cela ait été si
facile. On m avait promis l'enfer, les loups, les bandits, le froid,
la neige, moi j'ai trouvé que cela a été super
facile je n'ai vraiment pas souffert pour arriver jusque là.
Je suis moi-même étonné! La seule chose de vraie
c'est tous les putains de gros chiens qu'ils ont dans l'Est de la
Turquie pour protéger les troupeaux des loups. Déjà qu'ils
sont imposants mais en plus ils sont ornés de collier à clous
qui les rendent pas très accueillants!!!!!!Enfin quelques
pierres font l'affaire. Serge a un truc ultra son mais je préfère
ma bonne vieille technique des pierres qui en plus est plus efficace!!!!!!!
Mais après Erzurum un jour, j ai été sauvé par
un routier iranien car un chien ne voulait pas me lâcher malgré toutes
les pierres que je lui jetais. Il a fallu que je me protége
derrière son camion sur quelque km pour échapper au
molosse.
Le lendemain c'est à 5 qu'ils m'attaquent. Mais il leur faut
traverser la route pour m'atteindre ce qui ne les refroidit pas.
Pas de bol, les chauffeurs ici n'aiment pas la pédale du milieu
surtout pour un chien, alors ils ne sont plus que 4!!!!!Mais ça
ne les refroidit toujours pas, alors faut livrer combat car en fait
la meilleure défense c'est comme au morpion c'est l'attaque :
je pose le vélo, prend plein de pierres et leur court après.
Je jure que si j'en attrape un je le mors!!!!! Parfois les maîtres
viennent m'aider à jeter les pierres!!!!Va comprendre....
Erzurum c'est mon premier stop. Le temps d'une nuit, une douche
et un peu de lessive et je repars le lendemain vers Dogubayazit :
3 jours de route qui seront les plus froids jusqu' à présent.
Mais j'arrive assez vite au pied du mont Ararat, dans un village
qui n'a plus du tout les apparences de la Turquie qui veut rentrer
dans l'Europe mais bien de l'Asie! L'Iran est à 30 km , ça
serait si facile et si logique d'y aller!!!!! Mais bon, comme je
suis ni facile ni logique je monte au nord après avoir renoncé à ma
première idée qui était de grimper le mont Ararat,
et cela à cause d'une présence militaire très élevée
dans le région et surtout du fait que ça me paraissait
beaucoup de risque pour quelque chose de pas très intéressant :
l'ascension c'est de la marche avec beaucoup de vent. Bref vu d'en
bas c'est pas mal non plus. Et puis j'ai pris quelques jours de repos à Dogubayazit
pour des raisons de logistique qui cette fois se sont bien mieux
passés qu'à Istanbul!!!
A Dogubayazit il n'y a rien à voir. C'est une ville faite
d'agences de voyage qui proposent toutes l'ascension de mont Ararat
et la visite de la fausse Arche de Noé. A peine tu rentres
dans la ville qu'on te harcèle pour que tu ailles là,
dans telle ou telle agence ou hôtel, on essaye de l'arnaque
de partout mais c'est un jeu qui est aussi assez marrant. Tout ce
brouhaha autour de toi car forcément ce n'est pas la saison
alors le premier touriste qui passe il ne faut pas le rater. Finalement
je m'en sors pas mal pour trouver un hôtel car l'avantage quand
les gens viennent direct vers toi c'est que tu commences la négociation
avec une longueur d'avance. C'est eux qui ont besoin de toi et pas
l inverse, même si bien sûr l inverse est évidemment
vrai, mais le tout c'est de ne pas le montrer. Bref c'est un système
que je comprend bien et en général à condition
de pas être trop à bout physiquement je m en sors pas
trop mal!!!
Après Dogubayanazit c'est mille deux cents mètres
de dénivelé négatif qui m attendent et le vélo
quand ça descend c'est bien le meilleur des moyens de locomotion.
A chaque descente je me dis que j'adore le vélo mais bien
sûr c'est parce que je suis monté avant. Je crois que
si on me pose au sommet d'une descente ça me ferait bien moins
plaisir. La descente est juste coupée par un contrôle
de l'armée, un des nombreux dans le coin, passeport......
L'Est de la Turquie est une zone assez tendue : il y a juste
quelques années c'était la guerre ici avec les kurdes
et puis là où je me dirige c'est la frontière
avec l'Arménie qui est aussi une zone très tendue.
Pourtant je tente le détour vers la frontière histoire
d'essayer de les attendrir sur mon sort et de passer direct en Arménie
ce qui m éviterais de remonter jusqu'en Georgie....Peine perdue,
on n'attendrit pas un militaire avec un vélo. C'est pas grave,
je m'y attendais, ça me coûte 40km dans le vent, c'est
pas trop méchant.
Toute cette partie de la Turquie , le long de la frontière
arménienne est très spéciale à faire :
d abord très pauvres les gens vivent dans des maisons au toit
de paille très basses, genre celle que l'on trouve en Inde,
essentiellement de l'agriculture, avec pour chauffage les bouses
de vache et pour nourriture ce qu'ils cultivent. Les militaires sont
partout et la tension est palpable. Les gens sont distants, personne
ne sait vraiment dans quel pays on est. Entre kurdes, turcs, arméniens,
réfugiés azéris et autres, c'est la pagaille.
De l'autre côté du canyon c'est l'Arménie, ses
tourelles militaires et les militaires qui tirent en l air pour narguer
les turcs ou alors s'occuper, je ne sais pas… mais par contre je
sais que je vais faire un détour de 500 km pour arriver juste
derrière ce canyon!!!!
Après mon but à la frontière c'est le début
de la fin du voyage sans aucun souci. Ca commence le matin au réveil :
premier coup de pédale, un rayon!!!!! Un rayon du côté cassette,
donc je ne peux pas le changer. 10km plus loin, un deuxième
rayon, ouh! là ça commence à m'inquiéter!!!!!!
Dans la ville suivante je trouve une clef à décassetter
ce qui me permet de changer mes deux rayons, je remonte la roue,
la fait tourner une fois, un nouveau rayon qui pète!!!!!!
Je ne comprends pas vraiment!! DT suisse, rayon incassable parait-il!
Je me dis que c'est du au poids car c'est rechargé avec du
matos de montagne et peut être que le vélo n'aime pas.
Bref je change mes trois rayons, m'engueule avec le gars qui m'a
conduit au « bike shop » car il veut des tunes
juste pour m'avoir conduit ici!!!!Le réparateur est un gars
sympa et aplani la chose car lui ne demande rien alors qu'il m'a
aidé à décassetter car la cassette était
très serrée!!!!!! Finalement le réparateur aura
des tunes et l'autre, les yeux pour pleurer!! Et je repars pour quelques
km avant de me faire arrêter par deux familles qui font un
barbecue pour un délicieux repas, quelques brochettes et une
salade de légume bref un délice! Je m'excuse encore
auprès d'eux d avoir du refuser le coca mais bon c'est contre
ma religion!!!!!!!
A la rigueur je peux concevoir un turkish-cola ou india-cola si
je suis malade du bide, mais un coca cola j'ai du mal! Et puis à mon
grand étonnement je n'ai eu aucun problème de bide
jusqu'à aujourd'hui. Je bois pourtant l'eau du robinet depuis
toujours et je n'ai jamais rien traité. Le seul jour où j'ai
voulu traiter, j'ai pris mon truc en regardant le nombre de gouttes
qu'il fallait mettre par litre, je lis l'étiquette et c'était
marqué « désinfecte l'eau potable »!
Bien un truc de français, ça sert à quoi de
désinfecter l'eau potable? Du coup j'en n'ai pas mis!!!! C'est
encore un truc de blouse blanche ses gouttes, un truc qui en théorie
est vachement bien mais en pratique ben désinfecter l'eau
potable je ne vois pas à quoi ça peut me servir, si
elle est potable j'ai pas besoin de la désinfecter. Bref je
crois que je vais continuer à vivre sur ce que mon corps a
appris dans sa première visite en Asie et demander aux locaux
où l eau est bonne car ils le savent toujours, ils ont leur
source et savent très bien où est la bonne et la mauvaise
eau. Après tout ils sont comme nous!!!!!!
Puis la route continue au rythme des postes de contrôle....Le
soir je ne sais pas ce que je fais mais tout va de travers, je pète
un arceau de ma tente et perce le tapis de sol!!!!Quel con; enfin
un peu de scotch et de super glue et tout rentre dans l ordre.Il
y a des jours où on se demande pourquoi on s'est levé!!!!!
Mais c'est que le début de ma série noire.
Le lendemain à un poste de contrôle j'apprend que la
première frontière pour la Georgie est fermée,
il faut monter un peu plus encore, c'est pas grave. Après
l'interrogatoire d'usage, le capitaine m'invite à rentrer
me poser un peu, moi je suis toujours assez mal à l'aise avec
les uniformes, mais bon, je prends sur moi et puis un thé c'est
toujours le bien venu. Mais le mega sandwich au fromage concombre
encore plus!!!! Pour la première fois depuis le début
du voyage je réalise que la bouffe me manque un peu, pas que
c'est pas bon tout ce que je mange, mais bon tous les voyageurs connaissent ça.
Enfin là ce sandwich je le casse en deux et vite, puis il
m'offre de l eau minérale pour qu'à chaque fois que
je boive dans la bouteille je pense à eux!!!!!! C'est de l'
eau Danone …faut bien que l'on s'y retrouve quelque part dans les
guerres quand même!!
Quelques jours de route me conduisent au 15 mars au jour où la
lune commence à descendre c'est à dire fin du beau
temps au matin. Ca commence par un vent de fou qui rend hasardeux
le pédalage, je suis obligé de m'arrêter pour
croiser un camion ou une voiture car le vent vient de côté et
je dois rouler vélo penché et si on me coupe le vent
je tombe!!! C'est de ces jours où l'on sent la galère
naître au fil des coups de pédale sans pouvoir vraiment
l'éviter. Après une pose thé histoire de dépenser
mes derniers lira (argent turc) en achetant du pain que finalement
on m'offre donc je me fais couillonner mes pièces en lira
car seul les billets sont changeables. C'est pas grave et de toute
façon il ne voulait vraiment pas de mon argent, c'est pas
ma faute!!!!!!
La montée du dernier col qui me sépare de la Georgie
commence raide, très raide au début, le long de ce
qui sera le futur pipe-line entre Baku Tbilissi et la Turquie.
Le vélo fait de drôles de bruits. Il me faut m'arrêter
pour nettoyer les moyeux et axes et surtout donner le temps à une
tempête de neige de me cueillir par surprise le temps de la
réparation. Cane durera pas longtemps, quelques heures, mais
ce sera intense. Enfin la neige c'est toujours beau quand ça
tombe ; bon c'est sûr c'est pas des temps à faire
du vélo, mais bien équipé on le sent même
pas, c'est juste que quand ça s'amasse sur la route et que
t'es juste au pied du col tu te dis que c'est pas forcément
bien engagé. Les gens qui me doublent ne comprennent vraiment
pas ce que je fais là, mais moi je le comprends encore donc ça
va!!!! La neige s'arrête de tomber pile au pied des dix derniers
km du col qui sont très raides et sortent à 2500 et
des poussières. Bon, malgré que l'on me dise qu'il
est impossible de passer le col, j'ai décidé le matin
en me levant que j allais le passer et je suis têtu, c'est
un de mes nombreux défauts mais aussi de mes rares qualités,
j'ai dit que je passerai et je passerai. J'attaque à pédaler
en suivant les ornières des voitures qui sont passées,
doublant les camions garés le long de la route qui ne peuvent
plus monter. Moi ça va je monte et plus je monte plus le thermomètre
descend. Il ne neige plus, il fait froid, la neige précédemment
tombe gèle très vite et je dois monter sur le bas côté pour
ne pas patiner, mais lentement alors que la nuit arrive je continue à monter.
Il fait moins dix, mon altimètre me dit que le col n'est plus
très loin et c'est une bonne chose. A ce moment là en
fin de journée quand la fatigue arrive, que la nuit tombe,
qu'on a passé trois heures sous la neige et que l'on monte
depuis 4h, il y a un truc qu'on a pas envie qui nous arrive, d' ailleurs
on pense même pas que ce soit possible que ça nous arrive
et pourtant....... je crève! J'ai dit que je passerai et je
passerai. Je pourrai monter la tente là sur le bord de la
route, mais non, je change la chambre car avec le froid les rustines
ne collent pas.... allez c'est pas grave, je repars mais changer
de chambre par ces températures me vaut un bon petit onglet,
les bons, les vrais, ceux qui font du bien, ceux qui soudent une
cordée à un relais, ceux qui font briller l'oeil.
Je repars, il fait nuit, le chasse neige passe, ça n'aide
pas beaucoup mais bon ça fait de la lumière. « Clic,
clic » je le connais ce bruit, ça me dit rien de
bon, c'est la chaîne qui n'aime pas la montée, je m
arrête, y donne vite un coup de pince juste pour atteindre
le col, je ne veux plus que ça.
Mais ma réparation à la africaine ne suffit pas et
la chaîne casse un peu plus loin. De nouveau le bord de route
pour cette fois raccourcir la chaîne de deux maillons histoire
de.....ben passer le col. Le chasse neige s'arrête au retour,
le chauffeur me prend pour un fou et tout de suite m'invite à passer
la nuit au sommet du col dans deux km dans les locaux des ponts et
chaussées turcs! Et je ne me fais pas prier pour entrer dans
le local surchauffé, me vautrer dans le canapé, boire
du thé chaud, dévorer un bon repas, autres choses que
des pâtes, le rêve! C'est là que je me suis dit « akuna
matata », car chaque galère appelle souvent de
bien beaux moments. « Akuna matata » c'est
quand on m'a offert un seau d'eau chaude pour me laver, un lit pour
me coucher......sans aucuns soucis. Bonne nuit.
Réveil. La tempête fait de nouveau rage, visibilité 0,
route glacée. Tandis que mes hôtes m'invitent à rester
avant de chaîner leur chasse neige, je me bâche pour
reprendre la route malgré leurs conseils. Le masque c'est
l'arme fatale pour voir plus loin que sa route. Grosse chaussures
sur chaussure, plein de vêtements, me voilà parti faire
l' équilibriste sur la route complètement verglacée,
mais ça descend et oui, chaque montée appelle la descente,
celle la coûtera juste trois belles glissades à la Valentino
Rossi , car lorsque le vélo part, ben … je peux pas l'arrêter!!!!
Mais bon à force de descendre la route redevient sèche
et j atteins la frontière de la Georgie. Des arbres, de la
verdure, c'est agréable après un mois d'aridité et
de froid! La Georgie je la vois comme l'Eldorado, la fin du froid,
du vent, de l'altitude.......passe ma roue dans la sciure et mes
pieds dans un liquide bizarre pour lutter contre la grippe aviaire!!
Me voila en Georgie, je change de monde en 100m, c'est incroyable.
La route (hum le chemin!!) est une piste boueuse avec des flaques
qui prennent toute la largeur et dont la profondeur est de plusieurs
dizaines de centimètres. Dans ma tête c'est juste la
frontière qui est en travaux, ça ne peut pas durer
comme ça, dans quelques centaines de mètres ça
ira mieux. 10 km plus loin je commence à me faire une
raison, les routes seront un calvaire comme ça tout le long?
Non ça ira en s'arrangeant après une 20 aine de km,
de toute façon ça ne pouvait pas être pire.
En entrant en Georgie on se dit que la Turquie finalement c'est
t un pays très, très riche. Ici c'est l'hallu, tout
semble gris, terne, vieux et froid, drôle d impression au début....les
véhicules roulent on ne sait pas comment, les pompes à essence
sont des citernes avec un robinet et un tuyau......je me demande
où je suis tombé. Je savais que c'était pas
la grande porte d'entrée du pays, mais là je suis choqué!!!!!!
Je continue ma route et retrouve un peu de goudron un peu plus loin.
Il me faut m'adapter au changement, comprendre comment ça
marche, comprendre ce que me demande les gens sans parler un mot
de géorgien et de russe au grand étonnement de tout
le monde car le russe est la langue à parler ici!!!Très
vite je m'y fais quand même, ce n'est pas trop compliqué,
les gens sont sympas, on m'offre des fruits, des bonbons, ça
commence à me plaire.
Il me faut changer mes derniers lira en lari et là je crois
que c'est l'un des rares moments de la vie où je suis content
d'avoir fait S car le fait de compter à peu près correctement
me rend bien service. Enfin il fallait pas aller jusqu'au bac, une
bonne règle de trois c'est la seul chose qui sert dans les
maths...Première belle négociation; la base c'est d'obtenir
le prix annoncé au départ plus 50% c'est ce qui me
parait honnête en général et la on m'annonce
0.80 le lira et je finis à 1.25, donc je suis satisfait même
si d'après ma règle de trois en fonction de l'euro ça
aurait du faire 1.3 mais bon on perd toujours de l'argent quand on
change, c'est la vie!!! |
|
Je quitte donc Akhaltsikhe la première et dernière
grande ville de ma route géorgienne avec tout ce dont j'ai
besoin et prend la direction de l'Arménie par une route qui
est considérée par les guides de voyage comme un parcours
masochiste à faire en bus! En vélo?.......Au début ça
roule bien, c'est très beau même et y a du goudron.
Bref que du bonheur. Le soir je peux m'étendre au milieu des
pins et c'est agréable de retrouver la compagnie des arbres.
Ces jours - ci juste deux rayons de cassés, quasiment rien!!!!
Au matin, comme tout les matins, mon premier geste est de mettre
le réchaud en route pour faire un peu d'eau chaude, mais ce
matin là l'essence ne sort pas!!! Ca arrive, ça peut être
un manque de pression, je pompe pour vérifier mais ce n'est
pas ça. Donc en général c'est qu'il est encrassé,
rien de grave, toutes les semaines il faut nettoyer le réchaud,
c'est le problème de l'essence et la ça fait bien longtemps
qu'il marche sans problème, donc j'ai pas a me plaindre. Un,
on nettoie l'injecteur....toujours pas d essence, alors c'est le
câble qui passe dans le conduit métallique qui bloque,
en théorie tu le sors, nettoie et ça repart comme en
14, mais là problème : câble insortable....je
graisse l'intérieur … toujours pas, je chauffe au rouge à l'aide
d' un feu… toujours pas, je bourrine … toujours pas, l intérieur
du conduit métallique semble être soudé au câble ;
après deux heures d effort je me résous à l'évidence :
mon réchaud viens de rendre l âme après deux
ans de loyaux service, à vrai dire je m'y attendais mais ça
ne fait pas moins chier!!!!
Je répare mes rayons et repars, putain de réchaud.....Un
réchaud c'est pas juste le truc qui me fait à manger,
c'est l eau chaude, la chaleur et le confort. Pas de réchaud ça
veut dire que le matin il faut boire l'eau dont la température
est glaciale, ça veut dire plus de pâtes, plus de soupe....alors
je réorganise mon régime autour de pain et confiture
ma foi ça pourrait être pire!!!!! La route monte dans
une splendide gorge, il s'agit de remonter tout ce qu'on a descendu
avant mais tranquillement, ça se fait, ne pas s énerver
comme d'hab. Lentement mais sûrement...... la Georgie fait
un pain délicieux et en fait je me régale de mon nouveau
régime.....moi qui croyais que le pain c'était un truc
de français!!!!Et puis le midi on m invite souvent à manger
autour du repas que partage les ouvriers ou autres. Dès qu'on
me voit passer on me fait signe et là, c'est saucisson, fromage,
sardines, pâtes.....vin et vodka!!!
La vodka c'est un truc avec lequel j'ai beaucoup de mal car j'en
ai un très mauvais souvenir, comme dirait Renaud "des
musettes comme ça ça vous laisse des souvenirs en forme
de cicatrice, des coup de poignard dans votre jeunesse, que c'est
triste". Alors je refuse le plus souvent possible la vodka.
La technique c'est de se montrer très ferme dès la
première offre sinon t'es foutu vu que eux ils boivent ça
comme de l'eau. Par contre je me surprends à aimer le vin
géorgien alors que je n'aime pas le vin français. Il
a un goût complètement différent. Parait-il que
la Georgie est le pays qui a inventé le vin...le seul problème
c'est qu'en Georgie tout se boit cul sec et la une fois encore j'ai
du mal!!!!!! Mais bon, je m'en sort plutôt bien et mon russe
s'améliore vu que je comprend ce qu'ils veulent me dire. Quand
ils se font une pichenette dans le cou ça veut dire qu'ils
veulent te monter un traquenard de derrière les fagots par
exemple, là vaut mieux pédaler encore un peu ou alors être
sûr de ses capacités à encaisser l'alcool...moi
je pédale...souvent.
Tout cela me mène tranquillement au 18 mars : 6 mois
de route. Ca y est la journée commence par faire faire un
tour de vélo à deux jeunes qui se sont risqués
près de ma tente. La veille j'ai perdu mon réchaud,
l'avant veille deux rayons, avant ce fut le terrible col pour quitter
la Turquie , mais là je me dis qu'il ne peut rien m'arriver
de pire et que j'ai le droit de prendre un peu mon temps avec ces
deux jeunes, de savourer la beauté du paysage et l'accueil
géorgien.......malgré tout en fin de matinée,
je remonte sur mon vélo, je n'ai pas trop la caisse, les derniers
jours m'ont fatigué, mais lentement je me rapproche de l'Arménie.
A peine 10 km que je pédale, une petite montée, la
route est droite, pas de voiture en face, du beau goudron, je
roule comme toujours bien à droite, perdu dans mes pensées,
d ailleurs je ne sais plus aujourd'hui à quoi je pensais???????
Quand d'un coup je me mets à voler! Je passe par dessus Lola
et vole pour de vrai pas longtemps car je vérifie très
vite les lois qui régissent notre planète et m'écrase
sur le sol. Mais qu'est ce qui se passe? Je me relève sonné,
y a du monde qui accourt autour de moi, je ne comprend pas vraiment
ce qui se passe. Alors que je me relève, un homme arrive,
il semble terriblement effrayé, se met à me toucher
de partout...ça y est je suis debout, je me retourne vers
Lola qui elle est à terre et je comprend tout d'un coup....le
gros boum, le vol....ça y est le pire du pire est arrivé.
Je constate enfin, non je m'énerve, premier réflexe
qui dure quelques secondes, je suis nerveux par nature, un nerveux
qui se contrôle mais là je tuerai bien quelqu'un.....et
dans la famille quand on s'énerve on pleure et je ne peux
retenir mes larmes devant mon vélo tordu, ma jante brisée
en deux, mon dérailleur à l'équerre, de même
que mes freins, ma sacoche et mon gros sac éventré sur
la route.......
Est-ce que c'est comme ça que ça doit finir :
par derrière, en traître sans que je puisse rien faire,
sans qu'on me laisse une chance de me défendre? Je n'ai jamais
eu de doute d'arriver au Népal jusque là, mais ici,
devant un tel carnage, je ne peux m'empêcher de ne plus avoir
de certitude pour la première fois. Je pense que c'est fini, ça
y est, « game over », il n'y a plus de vélo,
il n'y a plus rien à voir et toute les larmes du monde n'y
changeront rien, j'ai joué, j'ai perdu......
C'est le big bang dans ma tête. En fait non, après
la crise du départ je me retrouve dans un état second,
amorphe, incapable ni de pleurer ni de réfléchir. Je
ne sais pas où je suis, là dans un village géorgien
au milieu de nulle part, je n'ai aucune idée de ce que je
dois faire, rien ma tête est vide, plus rien ne marche, je
me laisse traîner par le conducteur qui m'a percuté et
qui a chargé tout dans le coffre et moi devant...
Il me dit qu'il va tout payer, qu'il n'y a pas de problème,
mais il n'a même aucune idée de ce qu'il dit, de ce
qu'est un vélo et surtout il n'a pas un rond!!!
Je n'ai même pas mal, je n'arrive pas à être
triste, mais je suis convaincu que c'est fini, pendant une demie
heure ou plus je ne bouge plus....puis, c'est le réveil :
on ne va pas me la faire. Je sors de cette putain de Lada et fait
le bilan le vrai......qu'est ce qu'il faut à un vélo
pour rouler? Des roues. Il me faut trouver une jante coûte
que coûte, ça y est c'est décidé, je repartirai
en vélo, je ne sais pas comment, mais je vais donner tout
ce que j'ai pour pas rester bloqué ici, dans ce trou du cul
du monde, peuplé par des arméniens qui ont récupéré les
maison laissées par les turcs.......On me conduit au domicile
du gars et installe la dépouille de Lola dans la grange avec
mes affaires. Commence alors mon combat....trouver une jante de 26
pouces . Toutes les granges du village sont fouillées, toutes
les maisons, on passe de partout.......et miracle au fond d'une des
granges une jante de 26 pouces , toute rouillée, toute tordue,
mais je devrais pouvoir l'avoir......
Je m enferme dans la grange, enfin je ne m'enferme pas mais je m'y
installe, c'est parti.....Je me sent un peu comme Mac Gayver, bloqué dans
un endroit et qui doit trouver une solution pour partir. J'ai pas
grand chose pour ressusciter Lola mais ça devrait le faire......J'
y crois, je n'abandonnerai pas comme ça....
Je détors à « la va vite » le
cadre juste pour voir si la roue pourra de nouveau passer dedans, ça
le fait, en même temps j'arrive à sauver dérailleur
et freins, c'est pas essentiel mais c'est une bonne nouvelle quand
même.
Je démonte mes moyeux et dérayonne mes deux roues
et attaque à détordre mes rayons de la roue arrière
un par un, il faut refaire le pas de vis à la lime à ongle
de certaines têtes qui se sont arrachées avec le choc,
mais à force de patience me voilà avec 36 rayons dans
la main droite et une jante dans la main gauche. Je passe ma jante
qui était à l'avant à l'arrière car la
jante géorgienne ne pourrait supporter le poids de l'arrière.
Supportera-t-elle celui de l avant?????????
Faut rerayonner la jante, je ne l'ai jamais fait, je n'ai aucune
idée de comment ça marche, qui va dessous dessus qui
croise et ou.....heureusement avant de démonter ma roue avant
j'avais pris des notes et fait des photos! Pas si con que ça
le gars. Le coup du « je démonte et je sais pas
remonter » je l'ai découvert je devais avoir 6
ans ! Aujourd'hui je sais écrire donc je m'en sers!!!!!
Bref après bien de la patience j'ai remonté, dans
cette grange, la roue arrière. Reste la roue avant. Il faut
d abord enlever la rouille à la lime, puis essayer de rendre
les bords parallèles ce que je n'arriverai pas vraiment à faire,
du coup je ne peux guère freiner de l'avant aujourd'hui ou
alors faut aimer les coups!! Puis je remonte mes moyeux dessus.
Deux roues, c'est un bon début, mais la roue géorgienne
n'est pas faite pour mes pneus donc il faut faire appel à l'arme
fatale 12 pour fixer le pneu tant bien que mal sur la jante :
le scotch américain. Ca marche. En partant de France je n'avais
aucune idée de comment marchait un vélo, je savais à peine
comment mettre une rustine, aujourd'hui je suis en train de rerayonner
des roues ce qui est un exercice qui m avait toujours fais halluciner,
trouver quel rayon tient la roue .......pour que ça tourne
droit....bref je ne m en sors pas mal, je deviens presque doué avec
une clef à rayon et le soir après une journée
de travail mon vélo à deux roues ......
C'est l'heure d'aller manger et dormir....repas de rêve mais
sommeil agité. Au premier rayon du jour je suis de nouveau
dans la grange, redonne vie à mon dérailleur et à mes
freins ; reste le plus gros problème : le cadre...A
l'aide de marteaux, de bûches de bois et autres je le rend
presque droit, enfin on est plus à l'heure où il faut être
difficile, ça devrait le faire comme ça, ça
le fera j'en suis sûr.......
Ce vélo, au passage, un truc de fou, comme il est solide
car le pare-chocs de la Lada est plus abîmé que lui.
Moi je croyais que pour partir en vélo comme ça il
fallait un équipement top, en réalité je prend
la mesure de ce que dit Janne (un de mes mentor), l' équipement
est quelque chose de très ennuyeux, ce qui compte c'est la
capacité à improviser....voilà deux jours que
j'improvise avec mes bûches de bois et mes Leatherman!!!!!!!Ça
prend forme, il est midi, Lola roule, quel bonheur..... Je commence à vraiment
y re-croire. Reste des détails : re-rallonger la chaîne,
refaire les roulements d'une pédale qui a reçu, graisser....mais ça
roule....
Deuxième chapitre : les sacoches. Bon là il faut
aimer la couture, la super glue qui semble éternellement bien
mieux coller aux doigts qu'à ce qu'on voudrait, le scotch
et la seau grip. Je passe tout ce que j'ai pour redonner vie à ma
sacoche et à mon gros sac mais dans l'histoire je perd mon
seul luxe des jours de pluie : la certitude de trouver des affaires
sèches, un duvet sec.....c'est pas grave, je le sais, ce 18
mars je vais le payer cher pendant longtemps....qu'importe j'improviserai
en temps voulu.
Voilà je suis prêt. Voila deux jours que je travaille
non stop pour redonner vie a Lola. Abandonner et baisser les
bras aurait certes été vraiment plus facile car donner
des coups de marteau à Lola m'a fait beaucoup de mal mais
c'est les larmes aux yeux que je repars d'où je m étais
arrêté.......la route continue je ne peux être
sûr de rien, mais c'est reparti.
Pour moi c'est plus qu'une simple décision de continuer ou
non le voyage, c'est de ces genres de situations qui te repoussent
dans tes ultimes retranchements psychologiques, savoir ce que tu
veux, pourquoi tu fais les choses, pourquoi tu ne les fais pas, ce
qui compte pour toi et non......j'ai pris de grosses décisions
dans ma vie, en deux secondes quand j'ai décidé de
continuer de me battre pour ce trip, ce rêve pour moi......sûrement
de façon égoïste comme toujours mais bon.......
Ces deux jours je les ai passés avec Ararat celui qui m'a
renversé et son père. L'accueil a été plus
que chaleureux, j'ai mangé comme jamais et j'ai troqué mes
pâtes contre du pain, du pâté, de la graisse de
cochon, des sardines et du fromage. Je ne perd pas au change sachant
que mes pâtes on me les a cuisinées et j'en ai mangé beaucoup
beaucoup!!!!! Au final je n'arrive pas à lui en vouloir, il
est bien plus embêté que moi même si je sais que
mon futur est marqué par le pare chocs de sa Lada, mais ce
n'est pas avec de la rancoeur et des remords qu'on avance. J'ai fait
de grosses conneries aussi dans ma vie et l'on a su me pardonner,
lui en vouloir ne m'aurait pas aidé et certain pays pour vivre
sur des rancoeurs passées se font la guerre depuis des siècles.
Qui n avance pas recul aussi bien dans la tête, le coeur et
les jambes.
Alors voilà, il m'offre un briquet car pour faire tenir le
scotch je le surchauffe au briquet pour faire fondre la colle et
j avais fini le mien. C'est un beau cadeau....puis les patates sautées étaient
délicieuses et le lit près du poêle bien chaud,
c'est pas l'essentiel ?.....Ils me font la bise et me regardent
repartir sans vraiment comprendre mes motivations, même si
ils ont compris l'importance de ce trip pour moi vu l'acharnement
que j'ai mis pour tout réparer......
Je repars, comme toujours c'est bon de repartir, peut-être
que je ne m'arrête que pour cela repartir......quel plaisir
de retrouver la liberté même si les roues ne tournent
pas très droites......
Ce jour 15 km de goudron et j arrive dans l'enfer, la route n'est
plus déneigée, c'est chaotique, il y a des congères
de partout, le vent, la neige de partout. Impossible de rouler, il
faut pousser 10km, trois heures, je suis défoncé, le
sort s'acharne sur moi c'est pas possible.....pousser dans les ornières
des voitures, se mettre dans le bourlet quand une arrive, glacé par
le vent, tirer, pousser, avancer, avancer lentement mais avancer,
y croire, toujours y croire, le meilleur est devant toi, ça
peut pas être pire, ça peu? Non ça peu pas.....si
peut-être mais ce soir là c'est mieux.
J échoue dans un village, quelques fermes, un troupeau de
vaches qui rentre de la seule source d eau non gelée du village,
un homme caché derrière son bonnet et sa veste me sourit
et me lance un truc que je traduirai comme un "mais qu'est ce
que tu fou là?" ben je vais en Arménie! Demain
tu iras, ce soir tu dors chez moi. Eh bien là je ne dis pas
non, ranger le vélo dans la grange avec les vaches, tout semble
avoir 10 000 ans ici, juste une petite lueur jaune au plafond témoigne
de notre siècle et encore n'est-elle pas là pour tenir
les toiles d'araignée cette ampoule?
Pourtant la maison est nickel propre, une petite vieille tient le
feu allumé avec des bouses de vache. Très vite on m'installe
devant le feu, je suis congelé, c'est bon ....."t'es
français" "oui"...davay......Il soulève
un drap, découvre une télé, l'allume, mes Euro
news.......en français afin que je puisse contempler les étudiants
français "se fouler la cheville, le bras, le poignet
en jetant des pavés sur la police dans une manif pacifiste......" .
Ce qui me fait bien rire car si on s'en tient aux new ou au no comment
de Euro news on croirait que c'est la guerre civile en France. Alors
une fois de plus je découvre que les infos faut bien savoir
les prendre.......
Un mega repas à base de pain et de soupe de pommes de terre
et bonne nuit. Il en faut une de bonne nuit car le lendemain c'est
reparti pour 20 km de poussage soit 5h pour arriver à la frontière
arménienne. Le visa se paye en dollar je n'en ai pas, j'ai à vrai
dire très peu d'argent sur moi et la négociation avec
l officier pour payer en lari est ardue et je la gagne dans le sens
où j'ai le visa, je la perd car le taux dollar lari est à chier
mais bon faire demi tour aurait été bien pire.
L'Arménie, je m'attendais à un truc encore pire que
la Georgie mais comme par magie après la frontière
je retrouve le goudron, la route qui n'a plus la largeur d'une voiture
mais de deux et surtout c'est la fin du plat montant pour le plat
descendant......même un rayon de soleil semble vouloir percer.......je
me laisse glisser jusqu'a Gyumri ....A l'entrée de la ville
je me demande si je campe après la ville ou si j'ouvre mon
Lonely Planet et fait le touriste pour me poser dans l'adresse recommandée...une
crevaison me répond.....de la merde on va dormir au chaud!
Je finis en poussant car je n'ai pas le goût de réparer
et échoue dans ce qu'ils appellent Homestay.....je regretterais
pas mal l'accueil arménien côte Géorgie, ça été si
chaleureux, si digne d'une guesthouse que cette maison très
bien certes me semble le piège à touriste par excellence,
et c'est le très cher pour très peu. Comme je suis
arrivé de nuit et fatigué, très fatigué par
le poussage du matin, ma négoc' a vraiment laissé à désirer,
c'est pas grave c'est le jeu....
Le jeu continue le lendemain car oui tout cela n' est qu'un
grand jeu et faut pas l'oublier la vie en elle même est un
grand jeu que l'on rend plus ou moins marrant en fonction de notre
volonté de jouer...moi j aime jouer.......you win you loose
it's a game you have to play...... et puis l'Arménie, par
où je suis passé, c'est le paradis du cycliste, c'est
du plat descendant tout le long, on passe de 2000m d'altitude à 400m
(Tbilissi en Georgie) en 250km de plat descendant le rêve...
il fait beau la roue tourne.....je continue ma diète sur ce
que l'on m'a donné là où j'ai réparé le
vélo et c'est pas si dur que ça en fait, le plus dur
c'est pas d' eau chaude le matin, mais bon ça va.
Pour quitter l'Arménie je m engage dans le Debed Canyon une
route magnifique avec des gens exceptionnels. Au fil des km mes sacoches
se remplissent de victuailles que je ne peux refuser......Pour le
déjeuner des ouvriers m'arrêtent, partagent leur repas
avec moi et m'offrent tout ce qui en reste des patates, du pain et
des figues dans du miel délicieux....Il fait de nouveau beau,
j'ai cassé deux rayons mais je n'ai même pas envie d'y
penser.....La belle vie, la très belle vie.
J ai plein de problèmes à résoudre devant
moi mais je remercie je ne sais pas qui de m'avoir fait faire ce
détour vers l'Arménie par une route où peu de
cyclistes ont du passer, surtout en hiver, et pourtant la route d'une
est splendide et de deux les arméniens m'ont bien rendu les
difficultés que j'ai eu à rentrer dans leur pays.....Je
quitte presque à regret l'Arménie après un dernier
thé (enfin 5) avec plein de délicieux gâteaux
et des gâteau en rab que l'on me glisse dans les sacoches en
me suppliant de rester pour la nuit, mais bon je veux rouler vers
Tbilissi......"ici c'est chez toi tu reviens, quand tu veux" dernière
parole arménienne.....c'est noté.
Arrivé à la douane je hais les douanier surtout quand
un grand panneau indique « douane généreusement
offerte par les USA », là tu sais que ça
va être la merde.......ben même pas. Re-rentrer en Géorgie
est une formalité. J ai peur de la route mais je trouve du
goudron génial et un panneau « si vous êtes
importuné par le police téléphonez au.... », ça
veut tout dire.....
Quelques km en Géorgie, tout le monde veut que je m'arrête
de partout, je prend le plus de temps possible pour le faire mais
c'est dur de devoir refuser tout ce qu'on veut m'offrir, le vélo
est bien assez lourd!!!!!!!!
Ce soir là je trouve un super campement et m'autorise un
festin.... histoire de vider mes sacoches....Je m'allume un feu et
attaque à faire fondre la graisse de porc dans la casserole,
y fait revenir les patates que l' on m'a offertes pour obtenir un
truc succulent, hautement calorique surtout que j avais tombé une
boite de pâtes avant!!!! En dessert salade de fruits et mousse
au chocolat lyophilisée que je traîne depuis des lustres.......
le tout sous un beau ciel étoilé, la vie est belle,
Akuna Matata c'est sûr.............
Tbilissi, ça y est, j'y suis, ça pas été facile
mais ici il fait chaud, les arbres sont en fleurs et les filles en
jupes...La ville est jolie pas trop grande, ça me va,
je trouve plus ou moins facilement où dormir : le lieu
où tous les étrangers dorment, en fait j'ai juste négocié bien
plus que de nature, désolé auprès de la petite
vieille qui tient le truc mais bon 10 dollars c'était trop
cher!!!!!! Et puis elle ne m' en veux même pas au contraire, ça m'a
place haut dans son estime......Le programme est charge à Tbilissi :
réparer Lola encore et toujours, trouver un nouveau compteur
car le mien a disparu dans la tempête quand je poussais, trouver
un nouveau réchaud et surtout manger, manger et manger et également
gérer quelques visas et un objectif suprême alléger
le vélo!!!!!
Aujourd'hui j'ai à peu près réussi tout ça
ce qui n est pas rien pour moi et je ne suis pas mécontent,
j' ai même réussi à envoyer des photos qui pourront être
en ligne bientôt alors que l'accident m a également
coûté mon câble USB.... Dans les lieux pour voyageur
où je reste, je comptais trouver tranquillité et des
gens qui ont vu la route, mais les premiers que je rencontre m'engueulent
parce que je prend les choses un peu à la cool selon eux....je
me lève un peu tard et je ne me rue pas vers les musées
et les églises!!!!!!!Qu'est ce que je suis venu faire en Géorgie.....Ils
ne savent rien de moi, même pas que je suis venu en vélo,
que j'ai besoin d'un peu de calme et me descendent en flèche
comme ça. A vrai dire je n'ai guère apprécié et
pourtant je n'ai rien dit, pas par manque de répartie, mais
parce que j'ai presque eu de la peine pour eux. Heureusement ces
personnes bougent vite et aujourd'hui il y a des gens bien plus agréables
dans la guest house.......Pourtant déjà je ressens
le besoin de partir, ça fait trois jours que je suis là, ça
me semble une éternité, c'est maladif. Heureusement
il y a encore plein de route à faire et c'est ça qui
est bien....même si je suis toujours un peu inquiet pour Lola
car ici pas possible de trouver de nouvelles pièces donc il
va falloir continuer à l'africaine, mais après tout
si ça marche je suis presque sûr que mes sacoches sont étanches,
même avec mes réparations. Donc Inch Allah la route
continue......
Je ne considère pas encore l'hiver passé mais je me
dis que j'ai fait un bon bout et je m'autorise à être
heureux d'arriver là alors que tout le monde me disait que ça
allait être impossible. Aujourd'hui je sais que si une voiture
passe je passerai, c'est juste une question de patience et de volonté,
pas de problème, j'en ai en stock....Je continue d'apprendre à voyager
en vélo : aujourd'hui je sais mettre des rustines et
dévoiler une roue et ce n'est pas rien. Je ne sais pas ce
que sera la prochaine leçon mais bon je jouerai le jeu.....même
si j'ai une petite idée de ce qu'elle va être....
Avec les contre temps que j'ai eu j'ai du abandonner l'idée
de grimper le mont Arargat en Arménie et je me demande aujourd'hui
si je vais pouvoir faire autant de montagne que ce que je le voulais,
je réalise que j'ai été prétentieux et
naïf de croire qu'il suffisait d'approcher le sommet et d'y
grimper. Gérer un voyage à vélo c'est déjà beaucoup
pour moi, pourtant je vais continuer à traîner mon matos
même si je dois avouer qu'à un moment j'ai pensé à l'oublier,
mais le poids d'un vélo c'est le prix de la liberté (Claude
Marthaler) et je me dis que quand j'aurais encore un peu plus d expérience
les choses iront peut être mieux, et je me dis surtout que
tout ne va pas toujours merder comme les dix derniers jours et surtout
je caresse des rêves un peu plus loin que je n'ai pas envie
d abandonner juste en Géorgie....
Ben voila il est tard j'ai les yeux explosés par trop d'ordinateur,
pourvu que je ne m'y habitue jamais, ce ne serait pas un bon signe
pour moi, ça voudrait dire trop d'Internet et pas assez de
voyage. Je vais me retourner vers Lola et la route avec ses galères
et ses bonheurs, sûrement que les deux sont liés. Comment
apprécier le second sans avoir connu la première, comment
mesurer la première sans première d ou on tombe
Je n'ai toujours pas de doutes aujourd'hui, je n ai plus de certitude
matérielle non plus, mais plus que jamais j'y crois et je
suis sûr que les sentiments mis bout à bout gagnent
en importance....Une fois de plus la route m'a appris plein de chose
sur moi-même avant de m'en apprendre sur elle-même, elle
garde son côté mystérieux et paradoxalement moi
de même alors que j'en apprend de plus en plus.....allez comprendre......
Bises à tous
seb |