27. Mars 2006 - Akuna matata


Pour continuer dans les références au lion.....le titre c'est toujours le plus difficile à trouver, celui-là m'est apparu quand tout allait bien, mais aujourd'hui je ne vois pas de raison de ne pas l'utiliser et puis cela m'évite d en chercher un autre!!!!

Pour ceux qui, par malchance ou par erreur (surtout s'ils ont vu la finale de la Star Ac ou un match de foot à la place), n'ont pas vu le roi lion : "ces mots signifient que tu vivras ta vie sans aucun soucis, philosophie......."

Quitter Istanbul après près de trois semaines bloqué dans cette ville, problème de visas, de paquet bloqué en douane dont je n'ai même pas même pas envie de parler, dans les deux cas ça a été long et ça m'a coûté de la tune pour des choses que je ne considère pas comme justifiées, donc forcement ça m'irrite un peu!!! Je pars par la petite porte, ne tente même pas de traverser le pont en vélo (ce qui est interdit) mais prend bien sagement le bateau ; assez de problème ici, je veux juste partir, juste quitter cette ville, juste ne plus entendre de voitures, de bruit, juste voir des arbres, la mer, les montagnes sans la ville autour. Je pédale pour m échapper de cette méga grande ville et c'est long....

A vrai dire la première journée je ne pédale que dans la ville. C'est usant car faut faire attention aux voitures de partout, aux feux et on peut pas juste tourner les jambes en rêvant. Et puis il neige et ça n'aide pas non plus, mais ce premier soir quand je monte la tente, même sous la neige, je me sens rudement bien, rudement heureux de reprendre ma route, même si je suis fatigué, même si après tout ce temps de vie avec un chauffage je suis un peu sensible au froid, même si je ne monte pas la tente de façon bien habile faute d'avoir des gestes bien réglés, même si je suis long à faire tout ce que je fais très vite normalement.....je suis parti!!!!!

Les premiers jours je souffre beaucoup physiquement, reprendre le rythme, le vélo est lourd mais lourd, qu' est ce qu'il y a donc dans ces putains de sacoches....J'ai l'impression de pédaler toute la journée et le soir le compteur n'affiche que 60 km !!!! Quelle galère. Et puis je pensais que ce serait plat, en fait ça monte et descend, un truc de fou, des pentes raides à plus de 20% (je l apprendrais plus tard par quelqu'un de bien mieux équipé que moi au niveau petite technologie qui dit tout sur tout). Bref, je n'avance pas. Il y a ces jours où tout va bien, où tout coule de source, et ces autres où on semble tout faire de travers alors que l'on pense faire exactement la même chose. Je ne sais pas trop comment expliquer cela. Le soir on trouve jamais le campement facilement, l'eau pareille, pour monter la tente c'est la pagaille, on est lent, le réchaud pareil, bref ça roule pas.....

Cela dépend souvent de notre attitude face à la route devant nous. En quittant Istanbul je fuis et je veux aller vite, trop vite, vite vers quoi, vite pourquoi? Pour un putain de visa iranien? Bah, ce n'est qu'un visa, pas la peine de se prendre la tête pour ça. La Turquie c'est grand, mais je prendrais le temps qu'il faut....A peine cela réalisé, quand on ne pédale plus juste pour avancer mais pour le plaisir de longer une mer magnifique, prendre le temps de s'arrêter boire le thé aux multiples invitations que l'on reçoit ......alors tout devient plus facile et bizarrement en se résolvant à une moyenne de 60km par jour on en fait une de 80, puis de 90.....la route a des mystères cachés bien profondément dans notre petite tête, dans notre petit cœur, et c'est toujours marrant de découvrir un nouveau recoin.....

Après quelques jours je reprend le rythme, organise bien mes journées et tout recommence à rouler naturellement. C'est tellement agréable d'avancer sans forcer, sans même penser à avancer....tellement facile....se donner des objectifs de temps c'est bien ce qui pourrait rendre le voyage compliqué, là, c'est redevenu facile. Il fait autant froid mais je prends le temps de mettre la bonne veste au bon moment, de prendre l'eau au bon endroit, de manger au bon moment et du coup tout est simple....Le soir le camp se monte en très peu de temps, 1h30 entre le moment où je pose le vélo et le moment où je rédige mon journal avant de dormir,

1h30 pour faire une soupe, 2l de thé, des pâtes, monter la tente, tout y ranger et surtout nettoyer le vélo et vérifier que tout aille bien. Certaines nuits sont fraîches et oublier de le faire ça veut dire voir tout gelé le matin et passer une heure à casser la glace sur les jantes ou autre. Alors les soirs où la route est humide il faut prendre bien le temps de tout sécher.......et puis Lola aime bien qu'on s occupe d'elle, même si elle roule extrêmement bien. Les changements d'Istanbul sont une révolution : passer d'un plateau à 28 dents à un de 22 à l'avant c'est un bonheur inimaginable; ça mouline tout le temps ou quand ça ne mouline pas c'est que c'est vraiment raide et que sans le 22 ben cela aurait été vraiment dur.

Puis même le temps semble tourner en ma faveur. Une fois l'esprit remit dans la direction que je juge juste pour voyager, je suis parti sous la neige puis ai eu la pluie deux jours après mais au jour de ma résolution le soleil brille et cela durera quasi tout le long de la Mer Noire.. .à peine une Carline suffit, un peu plus le matin mais rien de méchant, rien de ce qu'on m'avait annoncé, tant mieux, je ne vais pas me plaindre...

La route est dure avec des constantes montées et descentes jamais longues mais toujours raides et sans fin, ça semble infini...... la Mer Noire on la longe sans la longer car on est juste au-dessus d'elle et parfois on ne la voie pas pendant des heures, juste un peu à l'intérieur des terres rentrer dans une vallée en montant, en sortir en descendant, puis remonter dans celle d'après..... C'est pas facile pour le moral mais globalement ça se passe bien, quand le vélo va tout va en réalité c'est surtout ça.

Je m offre des campements de luxe tous les soirs, de même pour le midi : manger face à la mer, « tranquilou », prendre le temps de regarder ce monde magnifique qui m'entoure. Que c'est beau la mer et c'est un montagnard qui parle !...

Plus la route avance plus ça semble s'aplanir et plus mes étapes s allongent. C'est bon pour le moral et en plus le vélo s'allége de la bouffe que j'avais achetée à Istanbul et ça c'est pas désagréable non!!!!!!

Ma vie semble avoir retrouvé son rythme et celui des innombrables thés que l'on m'offre, quand, à la sortie d'un village, je vois un camping-car immatriculé en France!!!!!! Je regarde bien la plaque car celles des turcs sont les mêmes ; mais oui les autocollants des sponsors me font quand même pas vraiment une impression turque!!! Derrière je découvre Laure, la compagne de Serge Girard, qui effectue la connexion Internet du jour.

Il faudra attendre le lendemain pour que je rencontre Serge en personne. Serge a décidé de rallier Paris à Tokyo en courant, rien que ça, et en courant tous les jours, pas de jour de repos!!!! Sa logistique est beaucoup plus complexe que la mienne (3 véhicules et 5 personnes) mais c'est agréable de partager avec quelqu'un qui nous comprend quelques impressions de route, notre haine des chiens, notre étonnement des côtes (c'est lui qui me révèle le pourcentage des côtes).....je passerais plus ou moins la journée avec lui, je suis un peu plus rapide mais je m'arrête pour manger alors que lui non car il se ravitaille tous les 4,5 km et puis je décide une journée cool pour partager un peu avec lui de son exceptionnel défi.....Nos façons de voyager sont différentes et notre façon d'appréhender le voyage aussi, mais il y a autant de façons de voyager que de voyageurs et je ne me sentirai pas de dire laquelle est la meilleure mise à part celle qui rend le voyageur heureux. Serge est un sportif voyageur je me ressens plus comme un voyageur sportif, mais ce fut une agréable journée et puis j'ai eu le droit à un café et c'est pas tous les jours ça!!!!!!!! Et même j'ai été filmé par une caméra avec des barres de fer qui se dirigent vers toi, un truc à faire peur mais bon c'était contre une tablette de Lindt alors forcément… quand on me prend par les sentiments!!!!!!!

Les dernier jours de Mer Noire sont plats et les étapes atteignent jusqu' à 130 km sans que je me force vraiment, c'est bien mais bientôt voila Tirebolu : un peu de nouvelles tablettes de chocolat, de pâtes et de mayo dans les sacoches et j'attaque à monter. Au programme plus de 2000m de dénivelé ce qui au début m'inquiète, mais en fait la route s' élève tranquillement avec très peu de passages raides et du coup c'est assez facile et je ne m'en plaint pas...monter c'est aussi faire descendre le thermomètre qui au réveil est maintenant largement sous la barre des zéro sous la tente. Le record sera de -18 dans la tente sachant que mon thermomètre est en général généreux de 5 degrés en comparaison des températures affichées par les diverses enseignes. Enfin moins 18 c'est ce qu'il marque, donc je le crois et puis entre -18 et -23 ça ne change pas grand chose. Curieusement je ne souffre pas du froid, c'est un froid sec, les froids que j aime et je suis bien équipé. Je dirais même que j'aime ce temps qui me rappelle les séances de ski vers Ristolas au mois de janvier quand la température tombe sous les -25 dans la fosse à froid et que la neige craque sous les skis. Ben c'est un peu pareil, la seule chose qui rend difficile c'est le vent qui parfois se fait très gênant et surtout pas très réchauffant. Un jour j'aurais la neige, puis la pluie, quelque chose de pas drôle mais ce soir là comme par magie on m'invite et je dors au chaud.....

C'est un truc assez hallucinant d ailleurs : je roule comme d'hab, je suis trempé ce jour-là, je cherche un endroit pour ma tente quand, comme souvent, on me fait signe "cai cai", ha oui, un thé serait le bien venu ; je m arrête, m'assoie auprès du poêle, le gars n'a pas de thé!!!!!Il m explique que son resto est fermé et va ouvrir la semaine prochaine, mais il voulait savoir ce que je foutais là, sous la pluie, en vélo, ce qui est difficilement explicable et compréhensible pour lui.

A force qu'on me pose toujours les même questions je sais toujours quoi répondre : je ne parle pas un mot de turc, mais je reconnais les questions ; en gros tu dis la prochaine ville où tu vas, celle d'où tu viens, ton pays, ton prénom, le nombre de km depuis la France et le nombre de mois passé sur la route dans cette ordre c'est quasi toujours vrai!!! Après on te demande où tu dors et ce soir là quand tu montres la tente tu ne peux pas t'empêcher de penser à t'allonger là, au bord du poêle, ce que bien sur il me propose dans la seconde!!!! On m avait promis des bandits au Kurdistan (Est de la Turquie ) en réalité ce sont les gens les plus accueillants de la Turquie. Accepter tous les thés ça voudrait dire ne pas avancer de la journée!!!! Alors ce soir là, le bonhomme me confie les clefs de son resto et me laisse y dormir et me sécher autour du poêle. Tu mets les clefs sous le tapis en partant. Il ne semble pas réfléchir plus que ça, tout semble si naturel dans sa démarche comme dans celle de tous ceux qui m'offrent les thés. Tu t'arrêtes, on t'offre un thé, tu repars....je doute cela possible en France enfin qu'on te laisse les clefs d une maison comme cela!!!!!! Enfin ce soir là je dors bien et repars sec alors qu'il a plu toute la nuit, mais au matin il fait beau! « Akuna matata » ! Elle est pas belle la vie.

En 18 jours depuis Istanbul je parcours les 1600km qui me séparent d'Erzurum et suis moi- même étonné que cela ait été si facile. On m avait promis l'enfer, les loups, les bandits, le froid, la neige, moi j'ai trouvé que cela a été super facile je n'ai vraiment pas souffert pour arriver jusque là. Je suis moi-même étonné! La seule chose de vraie c'est tous les putains de gros chiens qu'ils ont dans l'Est de la Turquie pour protéger les troupeaux des loups. Déjà qu'ils sont imposants mais en plus ils sont ornés de collier à clous qui les rendent pas très accueillants!!!!!!Enfin quelques pierres font l'affaire. Serge a un truc ultra son mais je préfère ma bonne vieille technique des pierres qui en plus est plus efficace!!!!!!! Mais après Erzurum un jour, j ai été sauvé par un routier iranien car un chien ne voulait pas me lâcher malgré toutes les pierres que je lui jetais. Il a fallu que je me protége derrière son camion sur quelque km pour échapper au molosse.

Le lendemain c'est à 5 qu'ils m'attaquent. Mais il leur faut traverser la route pour m'atteindre ce qui ne les refroidit pas. Pas de bol, les chauffeurs ici n'aiment pas la pédale du milieu surtout pour un chien, alors ils ne sont plus que 4!!!!!Mais ça ne les refroidit toujours pas, alors faut livrer combat car en fait la meilleure défense c'est comme au morpion c'est l'attaque : je pose le vélo, prend plein de pierres et leur court après. Je jure que si j'en attrape un je le mors!!!!! Parfois les maîtres viennent m'aider à jeter les pierres!!!!Va comprendre....

Erzurum c'est mon premier stop. Le temps d'une nuit, une douche et un peu de lessive et je repars le lendemain vers Dogubayazit : 3 jours de route qui seront les plus froids jusqu' à présent. Mais j'arrive assez vite au pied du mont Ararat, dans un village qui n'a plus du tout les apparences de la Turquie qui veut rentrer dans l'Europe mais bien de l'Asie! L'Iran est à 30 km , ça serait si facile et si logique d'y aller!!!!! Mais bon, comme je suis ni facile ni logique je monte au nord après avoir renoncé à ma première idée qui était de grimper le mont Ararat, et cela à cause d'une présence militaire très élevée dans le région et surtout du fait que ça me paraissait beaucoup de risque pour quelque chose de pas très intéressant : l'ascension c'est de la marche avec beaucoup de vent. Bref vu d'en bas c'est pas mal non plus. Et puis j'ai pris quelques jours de repos à Dogubayazit pour des raisons de logistique qui cette fois se sont bien mieux passés qu'à Istanbul!!!

A Dogubayazit il n'y a rien à voir. C'est une ville faite d'agences de voyage qui proposent toutes l'ascension de mont Ararat et la visite de la fausse Arche de Noé. A peine tu rentres dans la ville qu'on te harcèle pour que tu ailles là, dans telle ou telle agence ou  hôtel, on essaye de l'arnaque de partout mais c'est un jeu qui est aussi assez marrant. Tout ce brouhaha autour de toi car forcément ce n'est pas la saison alors le premier touriste qui passe il ne faut pas le rater. Finalement je m'en sors pas mal pour trouver un hôtel car l'avantage quand les gens viennent direct vers toi c'est que tu commences la négociation avec une longueur d'avance. C'est eux qui ont besoin de toi et pas l inverse, même si bien sûr l inverse est évidemment vrai, mais le tout c'est de ne pas le montrer. Bref c'est un système que je comprend bien et en général à condition de pas être trop à bout physiquement je m en sors pas trop mal!!!

Après Dogubayanazit c'est mille deux cents mètres de dénivelé négatif qui m attendent et le vélo quand ça descend c'est bien le meilleur des moyens de locomotion. A chaque descente je me dis que j'adore le vélo mais bien sûr c'est parce que je suis monté avant. Je crois que si on me pose au sommet d'une descente ça me ferait bien moins plaisir. La descente est juste coupée par un contrôle de l'armée, un des nombreux dans le coin, passeport......

L'Est de la Turquie est une zone assez tendue : il y a juste quelques années c'était la guerre ici avec les kurdes et puis là où je me dirige c'est la frontière avec l'Arménie qui est aussi une zone très tendue. Pourtant je tente le détour vers la frontière histoire d'essayer de les attendrir sur mon sort et de passer direct en Arménie ce qui m éviterais de remonter jusqu'en Georgie....Peine perdue, on n'attendrit pas un militaire avec un vélo. C'est pas grave, je m'y attendais, ça me coûte 40km dans le vent, c'est pas trop méchant.

Toute cette partie de la Turquie , le  long de la frontière arménienne est très spéciale à faire : d abord très pauvres les gens vivent dans des maisons au toit de paille très basses, genre celle que l'on trouve en Inde, essentiellement de l'agriculture, avec pour chauffage les bouses de vache et pour nourriture ce qu'ils cultivent. Les militaires sont partout et la tension est palpable. Les gens sont distants, personne ne sait vraiment dans quel pays on est. Entre kurdes, turcs, arméniens, réfugiés azéris et autres, c'est la pagaille. De l'autre côté du canyon c'est l'Arménie, ses tourelles militaires et les militaires qui tirent en l air pour narguer les turcs ou alors s'occuper, je ne sais pas… mais par contre je sais que je vais faire un détour de 500 km pour arriver juste derrière ce canyon!!!!

Après mon but à la frontière c'est le début de la fin du voyage sans aucun souci. Ca commence le matin au réveil : premier coup de pédale, un rayon!!!!! Un rayon du côté cassette, donc je ne peux pas le changer. 10km plus loin, un deuxième rayon, ouh! là ça commence à m'inquiéter!!!!!! Dans la ville suivante je trouve une clef à décassetter ce qui me permet de changer mes deux rayons, je remonte la roue, la fait tourner une fois, un nouveau rayon qui pète!!!!!! Je ne comprends pas vraiment!! DT suisse, rayon incassable parait-il! Je me dis que c'est du au poids car c'est rechargé avec du matos de montagne et peut être que le vélo n'aime pas. Bref je change mes trois rayons, m'engueule avec le gars qui m'a conduit au « bike shop » car il veut des tunes juste pour m'avoir conduit ici!!!!Le réparateur est un gars sympa et aplani la chose car lui ne demande rien alors qu'il m'a aidé à décassetter car la cassette était très serrée!!!!!! Finalement le réparateur aura des tunes et l'autre, les yeux pour pleurer!! Et je repars pour quelques km avant de me faire arrêter par deux familles qui font un barbecue pour un délicieux repas, quelques brochettes et une salade de légume bref un délice! Je m'excuse encore auprès d'eux d avoir du refuser le coca mais bon c'est contre ma religion!!!!!!!

A la rigueur je peux concevoir un turkish-cola ou india-cola si je suis malade du bide, mais un coca cola j'ai du mal! Et puis à mon grand étonnement je n'ai eu aucun problème de bide jusqu'à aujourd'hui. Je bois pourtant l'eau du robinet depuis toujours et je n'ai jamais rien traité. Le seul jour où j'ai voulu traiter, j'ai pris mon truc en regardant le nombre de gouttes qu'il fallait mettre par litre, je lis l'étiquette et c'était marqué « désinfecte l'eau potable »! Bien un truc de français, ça sert à quoi de désinfecter l'eau potable? Du coup j'en n'ai pas mis!!!! C'est encore un truc de blouse blanche ses gouttes, un truc qui en théorie est vachement bien mais en pratique ben désinfecter l'eau potable je ne vois pas à quoi ça peut me servir, si elle est potable j'ai pas besoin de la désinfecter. Bref je crois que je vais continuer à vivre sur ce que mon corps a appris dans sa première visite en Asie et demander aux locaux où l eau est bonne car ils le savent toujours, ils ont leur source et savent très bien où est la bonne et la mauvaise eau. Après tout ils sont comme nous!!!!!!

Puis la route continue au rythme des postes de contrôle....Le soir je ne sais pas ce que je fais mais tout va de travers, je pète un arceau de ma tente et perce le tapis de sol!!!!Quel con; enfin un peu de scotch et de super glue et tout rentre dans l ordre.Il y a des jours où on se demande pourquoi on s'est levé!!!!! Mais c'est que le début de ma série noire.

Le lendemain à un poste de contrôle j'apprend que la première frontière pour la Georgie est fermée, il faut monter un peu plus encore, c'est pas grave. Après l'interrogatoire d'usage, le capitaine m'invite à rentrer me poser un peu, moi je suis toujours assez mal à l'aise avec les uniformes, mais bon, je prends sur moi et puis un thé c'est toujours le bien venu. Mais le mega sandwich au fromage concombre encore plus!!!! Pour la première fois depuis le début du voyage je réalise que la bouffe me manque un peu, pas que c'est pas bon tout ce que je mange, mais bon tous les voyageurs connaissent ça. Enfin là ce sandwich je le casse en deux et vite, puis il m'offre de l eau minérale pour qu'à chaque fois que je boive dans la bouteille je pense à eux!!!!!! C'est de l' eau Danone …faut bien que l'on s'y retrouve quelque part dans les guerres quand même!!

Quelques jours de route me conduisent au 15 mars au jour où la lune commence à descendre c'est à dire fin du beau temps au matin. Ca commence par un vent de fou qui rend hasardeux le pédalage, je suis obligé de m'arrêter pour croiser un camion ou une voiture car le vent vient de côté et je dois rouler vélo penché et si on me coupe le vent je tombe!!! C'est de ces jours où l'on sent la galère naître au fil des coups de pédale sans pouvoir vraiment l'éviter. Après une pose thé histoire de dépenser mes derniers lira (argent turc) en achetant du pain que finalement on m'offre donc je me fais couillonner mes pièces en lira car seul les billets sont changeables. C'est pas grave et de toute façon il ne voulait vraiment pas de mon argent, c'est pas ma faute!!!!!!

La montée du dernier col qui me sépare de la Georgie commence raide, très raide au début, le long de ce qui sera le futur pipe-line entre Baku Tbilissi et  la Turquie. Le vélo fait de drôles de bruits. Il me faut m'arrêter pour nettoyer les moyeux et axes et surtout donner le temps à une tempête de neige de me cueillir par surprise le temps de la réparation. Cane durera pas longtemps, quelques heures, mais ce sera intense. Enfin la neige c'est toujours beau quand ça tombe ; bon c'est sûr c'est pas des temps à faire du vélo, mais bien équipé on le sent même pas, c'est juste que quand ça s'amasse sur la route et que t'es juste au pied du col tu te dis que c'est pas forcément bien engagé. Les gens qui me doublent ne comprennent vraiment pas ce que je fais là, mais moi je le comprends encore donc ça va!!!! La neige s'arrête de tomber pile au pied des dix derniers km du col qui sont très raides et sortent à 2500 et des poussières. Bon, malgré que l'on me dise qu'il est impossible de passer le col, j'ai décidé le matin en me levant que j allais le passer et je suis têtu, c'est un de mes nombreux défauts mais aussi de mes rares qualités, j'ai dit que je passerai et je passerai. J'attaque à pédaler en suivant les ornières des voitures qui sont passées, doublant les camions garés le long de la route qui ne peuvent plus monter. Moi ça va je monte et plus je monte plus le thermomètre descend. Il ne neige plus, il fait froid, la neige précédemment tombe gèle très vite et je dois monter sur le bas côté pour ne pas patiner, mais lentement alors que la nuit arrive je continue à monter. Il fait moins dix, mon altimètre me dit que le col n'est plus très loin et c'est une bonne chose. A ce moment là en fin de journée quand la fatigue arrive, que la nuit tombe, qu'on a passé trois heures sous la neige et que l'on monte depuis 4h, il y a un truc qu'on a pas envie qui nous arrive, d' ailleurs on pense même pas que ce soit possible que ça nous arrive et pourtant....... je crève! J'ai dit que je passerai et je passerai. Je pourrai monter la tente là sur le bord de la route, mais non, je change la chambre car avec le froid les rustines ne collent pas.... allez c'est pas grave, je repars mais changer de chambre par ces températures me vaut un bon petit onglet, les bons, les vrais, ceux qui font du bien, ceux qui soudent une cordée à un relais, ceux qui font briller l'oeil.

Je repars, il fait nuit, le chasse neige passe, ça n'aide pas beaucoup mais bon ça fait de la lumière. « Clic, clic » je le connais ce bruit, ça me dit rien de bon, c'est la chaîne qui n'aime pas la montée, je m arrête, y donne vite un coup de pince juste pour atteindre le col, je ne veux plus que ça.

Mais ma réparation à la africaine ne suffit pas et la chaîne casse un peu plus loin. De nouveau le bord de route pour cette fois raccourcir la chaîne de deux maillons histoire de.....ben passer le col. Le chasse neige s'arrête au retour, le chauffeur me prend pour un fou et tout de suite m'invite à passer la nuit au sommet du col dans deux km dans les locaux des ponts et chaussées turcs! Et je ne me fais pas prier pour entrer dans le local surchauffé, me vautrer dans le canapé, boire du thé chaud, dévorer un bon repas, autres choses que des pâtes, le rêve! C'est là que je me suis dit « akuna matata », car chaque galère appelle souvent de bien beaux moments. « Akuna matata » c'est quand on m'a offert un seau d'eau chaude pour me laver, un lit pour me coucher......sans aucuns soucis. Bonne nuit.

Réveil. La tempête fait de nouveau rage, visibilité 0, route glacée. Tandis que mes hôtes m'invitent à rester avant de chaîner leur chasse neige, je me bâche pour reprendre la route malgré leurs conseils. Le masque c'est l'arme fatale pour voir plus loin que sa route. Grosse chaussures sur chaussure, plein de vêtements, me voilà parti faire l' équilibriste sur la route complètement verglacée, mais ça descend et oui, chaque montée appelle la descente, celle la coûtera juste trois belles glissades à la Valentino Rossi , car lorsque le vélo part, ben … je peux pas l'arrêter!!!!

Mais bon à force de descendre la route redevient sèche et j atteins la frontière de la Georgie. Des arbres, de la verdure, c'est agréable après un mois d'aridité et de froid! La Georgie je la vois comme l'Eldorado, la fin du froid, du vent, de l'altitude.......passe ma roue dans la sciure et mes pieds dans un liquide bizarre pour lutter contre la grippe aviaire!! Me voila en Georgie, je change de monde en 100m, c'est incroyable. La route (hum le chemin!!) est une piste boueuse avec des flaques qui prennent toute la largeur et dont la profondeur est de plusieurs dizaines de centimètres. Dans ma tête c'est juste la frontière qui est en travaux, ça ne peut pas durer comme ça, dans quelques centaines de mètres ça ira mieux. 10 km plus loin je commence à me faire une raison, les routes seront un calvaire comme ça tout le long? Non ça ira en s'arrangeant après une 20 aine de km, de toute façon ça ne pouvait pas être  pire.

En entrant en Georgie on se dit que la Turquie finalement c'est t un pays très, très riche. Ici c'est l'hallu, tout semble gris, terne, vieux et froid, drôle d impression au début....les véhicules roulent on ne sait pas comment, les pompes à essence sont des citernes avec un robinet et un tuyau......je me demande où je suis tombé. Je savais que c'était pas la grande porte d'entrée du pays, mais là je suis choqué!!!!!!

Je continue ma route et retrouve un peu de goudron un peu plus loin. Il me faut m'adapter au changement, comprendre comment ça marche, comprendre ce que me demande les gens sans parler un mot de géorgien et de russe au grand étonnement de tout le monde car le russe est la langue à parler ici!!!Très vite je m'y fais quand même, ce n'est pas trop compliqué, les gens sont sympas, on m'offre des fruits, des bonbons, ça commence à me plaire.

Il me faut changer mes derniers lira en lari et là je crois que c'est l'un des rares moments de la vie où je suis content d'avoir fait S car le fait de compter à peu près correctement me rend bien service. Enfin il fallait pas aller jusqu'au bac, une bonne règle de trois c'est la seul chose qui sert dans les maths...Première belle négociation; la base c'est d'obtenir le prix annoncé au départ plus 50% c'est ce qui me parait honnête en général et la on m'annonce 0.80 le lira et je finis à 1.25, donc je suis satisfait même si d'après ma règle de trois en fonction de l'euro ça aurait du faire 1.3 mais bon on perd toujours de l'argent quand on change, c'est la vie!!!

 


Je quitte donc Akhaltsikhe la première et dernière grande ville de ma route géorgienne avec tout ce dont j'ai besoin et prend la direction de l'Arménie par une route qui est considérée par les guides de voyage comme un parcours masochiste à faire en bus! En vélo?.......Au début ça roule bien, c'est très beau même et y a du goudron. Bref que du bonheur. Le soir je peux m'étendre au milieu des pins et c'est agréable de retrouver la compagnie des arbres. Ces jours - ci juste deux rayons de cassés, quasiment rien!!!! Au matin, comme tout les matins, mon premier geste est de mettre le réchaud en route pour faire un peu d'eau chaude, mais ce matin là l'essence ne sort pas!!! Ca arrive, ça peut être un manque de pression, je pompe pour vérifier mais ce n'est pas ça. Donc en général c'est qu'il est encrassé, rien de grave, toutes les semaines il faut nettoyer le réchaud, c'est le problème de l'essence et la ça fait bien longtemps qu'il marche sans problème, donc j'ai pas a me plaindre. Un, on nettoie l'injecteur....toujours pas d essence, alors c'est le câble qui passe dans le conduit métallique qui bloque, en théorie tu le sors, nettoie et ça repart comme en 14, mais là problème : câble insortable....je graisse l'intérieur … toujours pas, je chauffe au rouge à l'aide d' un feu… toujours pas, je bourrine … toujours pas, l intérieur du conduit métallique semble être soudé au câble ; après deux heures d effort je me résous à l'évidence : mon réchaud viens de rendre l âme après deux ans de loyaux service, à vrai dire je m'y attendais mais ça ne fait pas moins chier!!!!

Je répare mes rayons et repars, putain de réchaud.....Un réchaud c'est pas juste le truc qui me fait à manger, c'est l eau chaude, la chaleur et le confort. Pas de réchaud ça veut dire que le matin il faut boire l'eau dont la température est glaciale, ça veut dire plus de pâtes, plus de soupe....alors je réorganise mon régime autour de pain et confiture ma foi ça pourrait être pire!!!!! La route monte dans une splendide gorge, il s'agit de remonter tout ce qu'on a descendu avant mais tranquillement, ça se fait, ne pas s énerver comme d'hab. Lentement mais sûrement...... la Georgie fait un pain délicieux et en fait je me régale de mon nouveau régime.....moi qui croyais que le pain c'était un truc de français!!!!Et puis le midi on m invite souvent à manger autour du repas que partage les ouvriers ou autres. Dès qu'on me voit passer on me fait signe et là, c'est saucisson, fromage, sardines, pâtes.....vin et vodka!!!

La vodka c'est un truc avec lequel j'ai beaucoup de mal car j'en ai un très mauvais souvenir, comme dirait Renaud "des musettes comme ça ça vous laisse des souvenirs en forme de cicatrice, des coup de poignard dans votre jeunesse, que c'est triste". Alors je refuse le plus souvent possible la vodka. La technique c'est de se montrer très ferme dès la première offre sinon t'es foutu vu que eux ils boivent ça comme de l'eau. Par contre je me surprends à aimer le vin géorgien alors que je n'aime pas le vin français. Il a un goût complètement différent. Parait-il que la Georgie est le pays qui a inventé le vin...le seul problème c'est qu'en Georgie tout se boit cul sec et la une fois encore j'ai du mal!!!!!! Mais bon, je m'en sort plutôt bien et mon russe s'améliore vu que je comprend ce qu'ils veulent me dire. Quand ils se font une pichenette dans le cou ça veut dire qu'ils veulent te monter un traquenard de derrière les fagots par exemple, là vaut mieux pédaler encore un peu ou alors être sûr de ses capacités à encaisser l'alcool...moi je pédale...souvent.

Tout cela me mène tranquillement au 18 mars : 6 mois de route. Ca y est la journée commence par faire faire un tour de vélo à deux jeunes qui se sont risqués près de ma tente. La veille j'ai perdu mon réchaud, l'avant veille deux rayons, avant ce fut le terrible col pour quitter la Turquie , mais là je me dis qu'il ne peut rien m'arriver de pire et que j'ai le droit de prendre un peu mon temps avec ces deux jeunes, de savourer la beauté du paysage et l'accueil géorgien.......malgré tout en fin de matinée, je remonte sur mon vélo, je n'ai pas trop la caisse, les derniers jours m'ont fatigué, mais lentement je me rapproche de l'Arménie. A peine 10 km que je pédale, une petite montée, la route est droite, pas de voiture en face, du beau goudron, je roule comme toujours bien à droite, perdu dans mes pensées, d ailleurs je ne sais plus aujourd'hui à quoi je pensais???????

Quand d'un coup je me mets à voler! Je passe par dessus Lola et vole pour de vrai pas longtemps car je vérifie très vite les lois qui régissent notre planète et m'écrase sur le sol. Mais qu'est ce qui se passe? Je me relève sonné, y a du monde qui accourt autour de moi, je ne comprend pas vraiment ce qui se passe. Alors que je me relève, un homme arrive, il semble terriblement effrayé, se met à me toucher de partout...ça y est je suis debout, je me retourne vers Lola qui elle est à terre et je comprend tout d'un coup....le gros boum, le vol....ça y est le pire du pire est arrivé. Je constate enfin, non je m'énerve, premier réflexe qui dure quelques secondes, je suis nerveux par nature, un nerveux qui se contrôle mais là je tuerai bien quelqu'un.....et dans la famille quand on s'énerve on pleure et je ne peux retenir mes larmes devant mon vélo tordu, ma jante brisée en deux, mon dérailleur à l'équerre, de même que mes freins, ma sacoche et mon gros sac éventré sur la route.......

Est-ce que c'est comme ça que ça doit finir : par derrière, en traître sans que je puisse rien faire, sans qu'on me laisse une chance de me défendre? Je n'ai jamais eu de doute d'arriver au Népal jusque là, mais ici, devant un tel carnage, je ne peux m'empêcher de ne plus avoir de certitude pour la première fois. Je pense que c'est fini, ça y est, « game over », il n'y a plus de vélo, il n'y a plus rien à voir et toute les larmes du monde n'y changeront rien, j'ai joué, j'ai perdu......

C'est le big bang dans ma tête. En fait non, après la crise du départ je me retrouve dans un état second, amorphe, incapable ni de pleurer ni de réfléchir. Je ne sais pas où je suis, là dans un village géorgien au milieu de nulle part, je n'ai aucune idée de ce que je dois faire, rien ma tête est vide, plus rien ne marche, je me laisse traîner par le conducteur qui m'a percuté et qui a chargé tout dans le coffre et moi devant...

Il me dit qu'il va tout payer, qu'il n'y a pas de problème, mais il n'a même aucune idée de ce qu'il dit, de ce qu'est un vélo et surtout il n'a pas un rond!!!

Je n'ai même pas mal, je n'arrive pas à être triste, mais je suis convaincu que c'est fini, pendant une demie heure ou plus je ne bouge plus....puis, c'est le réveil : on ne va pas me la faire. Je sors de cette putain de Lada et fait le bilan le vrai......qu'est ce qu'il faut à un vélo pour rouler? Des roues. Il me faut trouver une jante coûte que coûte, ça y est c'est décidé, je repartirai en vélo, je ne sais pas comment, mais je vais donner tout ce que j'ai pour pas rester bloqué ici, dans ce trou du cul du monde, peuplé par des arméniens qui ont récupéré les maison laissées par les turcs.......On me conduit au domicile du gars et installe la dépouille de Lola dans la grange avec mes affaires. Commence alors mon combat....trouver une jante de 26 pouces . Toutes les granges du village sont fouillées, toutes les maisons, on passe de partout.......et miracle au fond d'une des granges une jante de 26 pouces , toute rouillée, toute tordue, mais je devrais pouvoir l'avoir......

Je m enferme dans la grange, enfin je ne m'enferme pas mais je m'y installe, c'est parti.....Je me sent un peu comme Mac Gayver, bloqué dans un endroit et qui doit trouver une solution pour partir. J'ai pas grand chose pour ressusciter Lola mais ça devrait le faire......J' y crois, je n'abandonnerai pas comme ça....

Je détors à « la va vite » le cadre juste pour voir si la roue pourra de nouveau passer dedans, ça le fait, en même temps j'arrive à sauver dérailleur et freins, c'est pas essentiel mais c'est une bonne nouvelle quand même.

Je démonte mes moyeux et dérayonne mes deux roues et attaque à détordre mes rayons de la roue arrière un par un, il faut refaire le pas de vis à la lime à ongle de certaines têtes qui se sont arrachées avec le choc, mais à force de patience me voilà avec 36 rayons dans la main droite et une jante dans la main gauche. Je passe ma jante qui était à l'avant à l'arrière car la jante géorgienne ne pourrait supporter le poids de l'arrière. Supportera-t-elle celui de l avant?????????

Faut rerayonner la jante, je ne l'ai jamais fait, je n'ai aucune idée de comment ça marche, qui va dessous dessus qui croise et ou.....heureusement avant de démonter ma roue avant j'avais pris des notes et fait des photos! Pas si con que ça le gars. Le coup du « je démonte et je sais pas remonter » je l'ai découvert je devais avoir 6 ans ! Aujourd'hui je sais écrire donc je m'en sers!!!!!

Bref après bien de la patience j'ai remonté, dans cette grange, la roue arrière. Reste la roue avant. Il faut d abord enlever la rouille à la lime, puis essayer de rendre les bords parallèles ce que je n'arriverai pas vraiment à faire, du coup je ne peux guère freiner de l'avant aujourd'hui ou alors faut aimer les coups!! Puis je remonte mes moyeux dessus.

Deux roues, c'est un bon début, mais la roue géorgienne n'est pas faite pour mes pneus donc il faut faire appel à l'arme fatale 12  pour fixer le pneu tant bien que mal sur la jante : le scotch américain. Ca marche. En partant de France je n'avais aucune idée de comment marchait un vélo, je savais à peine comment mettre une rustine, aujourd'hui je suis en train de rerayonner des roues ce qui est un exercice qui m avait toujours fais halluciner, trouver quel rayon tient la roue .......pour que ça tourne droit....bref je ne m en sors pas mal, je deviens presque doué avec une clef à rayon et le soir après une journée de travail mon vélo à deux roues ......

C'est l'heure d'aller manger et dormir....repas de rêve mais sommeil agité. Au premier rayon du jour je suis de nouveau dans la grange, redonne vie à mon dérailleur et à mes freins ; reste le plus gros problème : le cadre...A l'aide de marteaux, de bûches de bois et autres je le rend presque droit, enfin on est plus à l'heure où il faut être difficile, ça devrait le faire comme ça, ça le fera j'en suis sûr.......

Ce vélo, au passage, un truc de fou, comme il est solide car le pare-chocs de la Lada est plus abîmé que lui. Moi je croyais que pour partir en vélo comme ça il fallait un équipement top, en réalité je prend la mesure de ce que dit Janne (un de mes mentor), l' équipement est quelque chose de très ennuyeux, ce qui compte c'est la capacité à improviser....voilà deux jours que j'improvise avec mes bûches de bois et mes Leatherman!!!!!!!Ça prend forme, il est midi, Lola roule, quel bonheur..... Je commence à vraiment y re-croire. Reste des détails : re-rallonger la chaîne, refaire les roulements d'une pédale qui a reçu, graisser....mais ça roule....

Deuxième chapitre : les sacoches. Bon là il faut aimer la couture, la super glue qui semble éternellement bien mieux coller aux doigts qu'à ce qu'on voudrait, le scotch et la seau grip. Je passe tout ce que j'ai pour redonner vie à ma sacoche et à mon gros sac mais dans l'histoire je perd mon seul luxe des jours de pluie : la certitude de trouver des affaires sèches, un duvet sec.....c'est pas grave, je le sais, ce 18 mars je vais le payer cher pendant longtemps....qu'importe j'improviserai en temps voulu.

Voilà je suis  prêt. Voila deux jours que je travaille non stop  pour redonner vie a Lola. Abandonner et baisser les bras aurait certes été vraiment plus facile car donner des coups de marteau à Lola m'a fait beaucoup de mal mais c'est les larmes aux yeux que je repars d'où je m étais arrêté.......la route continue je ne peux être sûr de rien, mais c'est reparti.

Pour moi c'est plus qu'une simple décision de continuer ou non le voyage, c'est de ces genres de situations qui te repoussent dans tes ultimes retranchements psychologiques, savoir ce que tu veux, pourquoi tu fais les choses, pourquoi tu ne les fais pas, ce qui compte pour toi et non......j'ai pris de grosses décisions dans ma vie, en deux secondes quand j'ai décidé de continuer de me battre pour ce trip, ce rêve pour moi......sûrement de façon égoïste comme toujours mais bon.......

Ces deux jours je les ai passés avec Ararat celui qui m'a renversé et son père. L'accueil a été plus que chaleureux, j'ai mangé comme jamais et j'ai troqué mes pâtes contre du pain, du pâté, de la graisse de cochon, des sardines et du fromage. Je ne perd pas au change sachant que mes pâtes on me les a cuisinées et j'en ai mangé beaucoup beaucoup!!!!! Au final je n'arrive pas à lui en vouloir, il est bien plus embêté que moi même si je sais que mon futur est marqué par le pare chocs de sa Lada, mais ce n'est pas avec de la rancoeur et des remords qu'on avance. J'ai fait de grosses conneries aussi dans ma vie et l'on a su me pardonner, lui en vouloir ne m'aurait pas aidé et certain pays pour vivre sur des rancoeurs passées se font la guerre depuis des siècles. Qui n avance pas recul aussi bien dans la tête, le coeur et les jambes.

Alors voilà, il m'offre un briquet car pour faire tenir le scotch je le surchauffe au briquet pour faire fondre la colle et j avais fini le mien. C'est un beau cadeau....puis les patates sautées étaient délicieuses et le lit près du poêle bien chaud, c'est pas l'essentiel ?.....Ils me font la bise et me regardent repartir sans vraiment comprendre mes motivations, même si ils ont compris l'importance de ce trip pour moi vu l'acharnement que j'ai mis pour tout réparer......

Je repars, comme toujours c'est bon de repartir, peut-être que je ne m'arrête que pour cela repartir......quel plaisir de retrouver la liberté même si les roues ne tournent pas très droites......

Ce jour 15 km de goudron et j arrive dans l'enfer, la route n'est plus déneigée, c'est chaotique, il y a des congères de partout, le vent, la neige de partout. Impossible de rouler, il faut pousser 10km, trois heures, je suis défoncé, le sort s'acharne sur moi c'est pas possible.....pousser dans les ornières des voitures, se mettre dans le bourlet quand une arrive, glacé par le vent, tirer, pousser, avancer, avancer lentement mais avancer, y croire, toujours y croire, le meilleur est devant toi, ça peut pas être pire, ça peu? Non ça peu pas.....si peut-être mais ce soir là c'est mieux.

J échoue dans un village, quelques fermes, un troupeau de vaches qui rentre de la seule source d eau non gelée du village, un homme caché derrière son bonnet et sa veste me sourit et me lance un truc que je traduirai comme un "mais qu'est ce que tu fou là?" ben je vais en Arménie! Demain tu iras, ce soir tu dors chez moi. Eh bien là je ne dis pas non, ranger le vélo dans la grange avec les vaches, tout semble avoir 10 000 ans ici, juste une petite lueur jaune au plafond témoigne de notre siècle et encore n'est-elle pas là pour tenir les toiles d'araignée cette ampoule?

Pourtant la maison est nickel propre, une petite vieille tient le feu allumé avec des bouses de vache. Très vite on m'installe devant le feu, je suis congelé, c'est bon ....."t'es français" "oui"...davay......Il soulève un drap, découvre une télé, l'allume, mes Euro news.......en français afin que je puisse contempler les étudiants français "se fouler la cheville, le bras, le poignet en jetant des pavés sur la police dans une manif pacifiste......" . Ce qui me fait bien rire car si on s'en tient aux new ou au no comment de Euro news on croirait que c'est la guerre civile en France. Alors une fois de plus je découvre que les infos faut bien savoir les prendre.......

Un mega repas à base de pain et de soupe de pommes de terre et bonne nuit. Il en faut une de bonne nuit car le lendemain c'est reparti pour 20 km de poussage soit 5h pour arriver à la frontière arménienne. Le visa se paye en dollar je n'en ai pas, j'ai à vrai dire très peu d'argent sur moi et la négociation avec l officier pour payer en lari est ardue et je la gagne dans le sens où j'ai le visa, je la perd car le taux dollar lari est à chier mais bon faire demi tour aurait été bien pire.

L'Arménie, je m'attendais à un truc encore pire que la Georgie mais comme par magie après la frontière je retrouve le goudron, la route qui n'a plus la largeur d'une voiture mais de deux et surtout c'est la fin du plat montant pour le plat descendant......même un rayon de soleil semble vouloir percer.......je me laisse glisser jusqu'a Gyumri ....A l'entrée de la ville je me demande si je campe après la ville ou si j'ouvre mon Lonely Planet et fait le touriste pour me poser dans l'adresse recommandée...une crevaison me répond.....de la merde on va dormir au chaud! Je finis en poussant car je n'ai pas le goût de réparer et échoue dans ce qu'ils appellent Homestay.....je regretterais pas mal l'accueil arménien côte Géorgie, ça été si chaleureux, si digne d'une guesthouse que cette maison très bien certes me semble le piège à touriste par excellence, et c'est le très cher pour très peu. Comme je suis arrivé de nuit et fatigué, très fatigué par le poussage du matin, ma négoc' a vraiment laissé à désirer, c'est pas grave c'est le jeu....

Le jeu continue le lendemain car oui tout cela n' est qu'un grand jeu et faut pas l'oublier la vie en elle même est un grand jeu que l'on rend plus ou moins marrant en fonction de notre volonté de jouer...moi j aime jouer.......you win you loose it's a game you have to play...... et puis l'Arménie, par où je suis passé, c'est le paradis du cycliste, c'est du plat descendant tout le long, on passe de 2000m d'altitude à 400m (Tbilissi en Georgie) en 250km de plat descendant le rêve... il fait beau la roue tourne.....je continue ma diète sur ce que l'on m'a donné là où j'ai réparé le vélo et c'est pas si dur que ça en fait, le plus dur c'est pas d' eau chaude le matin, mais bon ça va.

Pour quitter l'Arménie je m engage dans le Debed Canyon une route magnifique avec des gens exceptionnels. Au fil des km mes sacoches se remplissent de victuailles que je ne peux refuser......Pour le déjeuner des ouvriers m'arrêtent, partagent leur repas avec moi et m'offrent tout ce qui en reste des patates, du pain et des figues dans du miel délicieux....Il fait de nouveau beau, j'ai cassé deux rayons mais je n'ai même pas envie d'y penser.....La belle vie, la très belle vie.

J ai plein de problèmes à résoudre devant moi mais je remercie je ne sais pas qui de m'avoir fait faire ce détour vers l'Arménie par une route où peu de cyclistes ont du passer, surtout en hiver, et pourtant la route d'une est splendide et de deux les arméniens m'ont bien rendu les difficultés que j'ai eu à rentrer dans leur pays.....Je quitte presque à regret l'Arménie après un dernier thé (enfin 5) avec plein de délicieux gâteaux et des gâteau en rab que l'on me glisse dans les sacoches en me suppliant de rester pour la nuit, mais bon je veux rouler vers Tbilissi......"ici c'est chez toi tu reviens, quand tu veux" dernière parole arménienne.....c'est noté.

Arrivé à la douane je hais les douanier surtout quand un grand panneau indique « douane généreusement offerte par les USA », là tu sais que ça va être la merde.......ben même pas. Re-rentrer en Géorgie est une formalité. J ai peur de la route mais je trouve du goudron génial et un panneau « si vous êtes importuné par le police téléphonez au.... », ça veut tout dire.....

Quelques km en Géorgie, tout le monde veut que je m'arrête de partout, je prend le plus de temps possible pour le faire mais c'est dur de devoir refuser tout ce qu'on veut m'offrir, le vélo est bien assez lourd!!!!!!!!

Ce soir là je trouve un super campement et m'autorise un festin.... histoire de vider mes sacoches....Je m'allume un feu et attaque à faire fondre la graisse de porc dans la casserole, y fait revenir les patates que l' on m'a offertes pour obtenir un truc succulent, hautement calorique surtout que j avais tombé une boite de pâtes avant!!!! En dessert salade de fruits et mousse au chocolat lyophilisée que je traîne depuis des lustres....... le tout sous un beau ciel étoilé, la vie est belle, Akuna Matata c'est sûr.............

Tbilissi, ça y est, j'y suis, ça pas été facile mais ici il fait chaud, les arbres sont en fleurs et les filles en jupes...La ville  est jolie pas trop grande, ça me va, je trouve plus ou moins facilement où dormir : le lieu où tous les étrangers dorment, en fait j'ai juste négocié bien plus que de nature, désolé auprès de la petite vieille qui tient le truc mais bon 10 dollars c'était trop cher!!!!!! Et puis elle ne m' en veux même pas au contraire, ça m'a place haut dans son estime......Le programme est charge à Tbilissi : réparer Lola encore et toujours, trouver un nouveau compteur car le mien a disparu dans la tempête quand je poussais, trouver un nouveau réchaud et surtout manger, manger et manger et également gérer quelques visas et un objectif suprême alléger le vélo!!!!!

Aujourd'hui j'ai à peu près réussi tout ça ce qui n est pas rien pour moi et je ne suis pas mécontent, j' ai même réussi à envoyer des photos qui pourront être en ligne bientôt alors que l'accident m a également coûté mon câble USB.... Dans les lieux pour voyageur où je reste, je comptais trouver tranquillité et des gens qui ont vu la route, mais les premiers que je rencontre m'engueulent parce que je prend les choses un peu à la cool selon eux....je me lève un peu tard et je ne me rue pas vers les musées et les églises!!!!!!!Qu'est ce que je suis venu faire en Géorgie.....Ils ne savent rien de moi, même pas que je suis venu en vélo, que j'ai besoin d'un peu de calme et me descendent en flèche comme ça. A vrai dire je n'ai guère apprécié et pourtant je n'ai rien dit, pas par manque de répartie, mais parce que j'ai presque eu de la peine pour eux. Heureusement ces personnes bougent vite et aujourd'hui il y a des gens bien plus agréables dans la guest house.......Pourtant déjà je ressens le besoin de partir, ça fait trois jours que je suis là, ça me semble une éternité, c'est maladif. Heureusement il y a encore plein de route à faire et c'est ça qui est bien....même si je suis toujours un peu inquiet pour Lola car ici pas possible de trouver de nouvelles pièces donc il va falloir continuer à l'africaine, mais après tout si ça marche je suis presque sûr que mes sacoches sont étanches, même avec mes réparations. Donc Inch Allah la route continue......

Je ne considère pas encore l'hiver passé mais je me dis que j'ai fait un bon bout et je m'autorise à être heureux d'arriver là alors que tout le monde me disait que ça allait être impossible. Aujourd'hui je sais que si une voiture passe je passerai, c'est juste une question de patience et de volonté, pas de problème, j'en ai en stock....Je continue d'apprendre à voyager en vélo : aujourd'hui je sais mettre des rustines et dévoiler une roue et ce n'est pas rien. Je ne sais pas ce que sera la prochaine leçon mais bon je jouerai le jeu.....même si j'ai une petite idée de ce qu'elle va être....

Avec les contre temps que j'ai eu j'ai du abandonner l'idée de grimper le mont Arargat en Arménie et je me demande aujourd'hui si je vais pouvoir faire autant de montagne que ce que je le voulais, je réalise que j'ai été prétentieux et naïf de croire qu'il suffisait d'approcher le sommet et d'y grimper. Gérer un voyage à vélo c'est déjà beaucoup pour moi, pourtant je vais continuer à traîner mon matos même si je dois avouer qu'à un moment j'ai pensé à l'oublier, mais le poids d'un vélo c'est le prix de la liberté (Claude Marthaler) et je me dis que quand j'aurais encore un peu plus d expérience les choses iront peut être mieux, et je me dis surtout que tout ne va pas toujours merder comme les dix derniers jours et surtout je caresse des rêves un peu plus loin que je n'ai pas envie d abandonner juste en Géorgie....

Ben voila il est tard j'ai les yeux explosés par trop d'ordinateur, pourvu que je ne m'y habitue jamais, ce ne serait pas un bon signe pour moi, ça voudrait dire trop d'Internet et pas assez de voyage. Je vais me retourner vers Lola et la route avec ses galères et ses bonheurs, sûrement que les deux sont liés. Comment apprécier le second sans avoir connu la première, comment mesurer la première sans première d ou on tombe

Je n'ai toujours pas de doutes aujourd'hui, je n ai plus de certitude matérielle non plus, mais plus que jamais j'y crois et je suis sûr que les sentiments mis bout à bout gagnent en importance....Une fois de plus la route m'a appris plein de chose sur moi-même avant de m'en apprendre sur elle-même, elle garde son côté mystérieux et paradoxalement moi de même alors que j'en apprend de plus en plus.....allez comprendre......

Bises à tous

seb