11. Juilllet 2004 - Regards


Voilà, je reviens juste d'un petit séjour en montagne, pas en haute montagne mais quand même: quelque chose de très intéressant.

J'étais parti dans la Kaghan Valley (prononcer "karan"): l'ambassade de France m'avait formellement déconseiller d'y aller; il paraîtrait que les gens y sont violents et qu'il y a plein de Taliban qui ne demandent qu'à kidnapper les étrangers... ah bon. Du coup je n'ai pas pu résister à la tentation d'aller jeter un oeil vu que je n'ai jamais vu de Taliban et que je n'ai jamais été kidnappé!

Après une journée de bus me voilà donc à Naran qui est la capitale du tourisme pour les pakistanais; ne cherchez pas les foreigner il n'y en a pas, de même qu il y a très peu de gens qui parlent anglais (ça c'est moins drôle). Malgré tout c'est très marrant à voir car les classes plutôt aisées du Pakistan sont là et se lâchent: c'est à dire jean, chemise et sweet pour les garçons et même pour certaines femmes. C'est quelque chose de très amusant quand on voit le reste du pays, ils font bien plus touristes que la majorité des touristes européens au Pakistan.

Dès la première soirée je vois tomber une première idée reçue: ne sachant où crécher, je déambule et trouve un coin pour poser ma tente, je demande au aux occupants combien pour camper ici; ils rigolent, me disent que c'est gratuit puis m'offrent le repas du soir (alcool compris, quand je vous dis qu' ils se lâchent car c est formellement interdit par leur religion), obligé de danser et de chanter en "urdu" autour du feu jusqu'à deux heures du mat, c'est vrai que c'est assez violent...

L e lendemain je veux me rendre à un endroit où parait-il personne ne va mais pourtant y a un chemin carrossable. Premier prix à 5000 roupies et puis pas en dessous de 2000 après deux heures de négociation. De colère je pars à pied pour faire du stop, je ferai une bonnes dizaine de kilomètres à pied sur les cinquante tandis que le reste sera fait en jeep, en tracteur, en pelle mécanique, en camion, bref tout ce qui passe. Au final 60 roupies, repas du midi offert, dîner offert, nuit offerte et petit déj offert. Deux jours pour 50 km ce n'est certes pas rapide mais c'était vraiment marrant. Le soir une jeep me pose à un endroit où je peux dormir en sécurité et m'offre les repas du soir et du matin mais mieux que ça: quand il c'est arrêté j ai vu qu'il était avec 4 filles dans la jeep, je lui dis que je peux monter sur le toit, il me dit que c'est OK et je montent avec les filles derrière. Pour vous ça parait normal, mais ici au Pakistan on n'est jamais, au grand jamais au contact des filles. Et pour la première fois depuis que je suis ici (premier voyage compris) je parle à des filles et je leur serrerais même la main, ce qui est vraiment hallucinant pour ici et un grand honneur que me fait mon hôte.

Le soir au campement je suis bien sûr l'attraction: tout le monde veut voir ma tente savoir combien ça coûte... et puis je croise le regard de cette femme toute vêtue de noir. Un regard pur et vraiment intense, quelque chose de magique. Normalement j'aurais et elle aurait du baisser les yeux mais ni elle ni moi ne l'avons fait. En 1 minute, juste par le regard, elle m'a expliqué toute ma vie et la sienne, comme si le fait de n'avoir que ses yeux à montrer lui avait permis d'apprendre un autre langage, celui des yeux. Elle a ensuite voulu voir ma tente également et de nouveau je parlais à une femme mais celle là était toute vêtue de noir ce qui rajoute encore à l'émotion. Quand les hommes s'inquiètent uniquement du prix des choses, elle me demande comment je peux rentrer dans une petite tente, comment je fais pour manger, pour m'éclairer... différence de sensibilité et d'intérêt évident; du coup je lui montre mon réchaud, ma lampe, puis les hommes interviennent, ça suffit...

 


je crois que je n'oublierai jamais la puissance de ce regard. Les femmes sont ici entourées d'un tel mystère que ça les rend mystiques et donne envie de chercher leurs yeux comme un jeu lors de leur passage furtif tel des fantômes. Apres cette soirée, je pars en trek, je commence par m ouvrir la main sur un câble pour traverser une rivière: j ai une ligne de vie qui a bien raccourcie mais ça va.

J'en suis à 5 jours de trek durant lesquels j ai le plus grand mal à alléger mon sac de la nourriture que j ai emmené, je suis toujours invité par les bergers qui peuplent les montagnes. Le genre d'invitation où il faut avoir les intestins très très solides mais le genre de repas inoubliables. A peine ils me voient qu'ils m'invitent à manger, leur fameux rôti version haute valeur énergétique et puis des litres de thé, des sortes d'épinards pour ne pas dire de l'herbe, des boulettes de miel séchées... et puis le lait le vrai celui qui a déjà un peu fermenté, avec bien 1 cm de je ne sais quoi sur le dessus parfois jaune, c'est le moment du repas que je redoute le plus, même si en réalité il est toujours bon sauf qu il n a pas fait la connaissance de UHT. Je ne serais pas malade, malgré tout un jour je serais limite et de coup obligé de me cacher pour savourer un peu d eau micro pure et une soupe de nouilles...

En plus de toute cette chaleur humaine, j ai pas mal appris l'Urdu, ce qui est bon à prendre. J'ai fait un super trek à plus de 4000m dans ce qui doit être le paradis du ski de rando en hiver, et ce qui reste le paradis de ceux qui cherchent des treks faciles quasiment jamais faits.

L es Talibans? Pas vu, pas pris. J'ai vu plein de gens avec une grosse barbe qui m'invitent à partager leur repas alors qu ils vivent dans des tentes et n'ont rien: ce sont des bergers nomades au coeur grand comme leurs montagnes. Je comprend que la générosité de ses gens fasse peur à l'ambassadeur et à son costar cravate:ce n' est vraiment pas français d'inviter à manger avant de dire bonjour... de là à les traiter de Taliban même s ils sont armés, je pense que c'est un peu beaucoup.

je suis juste rentré aujourd'hui à Islamabad; sur le retour j'ai montré à des touristes pakistanais où ils pouvaient camper gratis, je leur ai aussi négocier le transport car ils se faisaient rouler de 10 roupies chacun. C'est le monde à l'envers: un touriste français qui guide des pakistanais (et des grecs champions d'Europe de foot!).

Mes quelques mots d'Urdu aidant je me sens de plus en plus à l aise dans ce pays où une fois sur deux quand je rentre dans un resto pour manger je me fais payer le repas. J'attend de voir mais pour l'instant, croyez-moi, le Pakistan n'a rien d un repère de terroristes.

L a suite? Je ne sais pas trop j ai envie de monter vraiment dans le Nord pour grimper mais c'est aussi aller vers la partie la plus touristique du Pakistan et comme tout le monde le sait qui dit tourisme dit business et non plus hospitalité. Enfin je vais voir, pour l instant je vais aller manger et demain il fera jour.

Bises a tous

Seb