Bon je rentre juste à Huaraz, je suis dans l'état
de quelqu'un qui vient de passer 13 jours en haute montagne. Ceux
qui connaissent jugeront; les autres imagineront.
Je suis parti avec
un allemand de Huaraz. Il voulait mettre les crampons et je lui avais
promis à La Paz que je l'amènerais.
Direction Cachapampa
dernier village, première nuit sous
tente, ça me fait drôle d'être deux : c'est
la première fois depuis énormément longtemps
que je pars en montagne autrement que seul.
Le lendemain on s'envoie les 8h de marche jusqu'au camp de base du santa cruz
(6250m). J'ai un sac assez énorme et je galère tandis que Philippe
n'a rien à porter et trotte, mais je m'affole pas car je sais ce qui
va se passer après 5000m...
Le lendemain départ pour le HC, la
barre des 5000m fais verdir mon coéquipier qui sais plus trop ou il
met les pieds et tom be dans une crevasse pour avoir posé le pied entre
mes traces, heureusement j'assurais.
Il commence à se dire que la montagne
c'est un truc de malade et quand je lui montre le couloir pour C1 il refuse
et réclame
un couloir à gauche qui lui semble plus facile et accessible
en 30mn. J'ai beau lui dire qu'il nous faudra 2h pour atteindre le
sommet, il veut rien entendre.
Du coup on y va on mettra 2h30 à brasser
dans de la neige de merde et a faire du mixte pourri pour sortir
sur une arrête
inbivouacable. Du coup on redescend et je plante la tente à 5300m à 22h!
Il reste plus grand chose de mon coéquipier qui se demande
comment l'on peut regarder la mort de si proche sans fuir.
Il est
liquide, la descente a été l'enfer de sa vie,
je crois qu'il a compris que la montagne c'est autre chose
que le trek qu'il pratique a fond. Le lendemain il redescend, vaccine,
mais content.
Moi, je retrouve ma solitude pour monter a C1 un couloir vraiment merdique
où la neige repose sur les rochers, tout glisse, quelques étincelles,
quelques frayeurs mais bon j'arrive en haut et reprends vite mes réflexes
de soliste.
A 1h du mat', départ pour le sommet, couloir a 70 degrés
en neige pour sortir a 5800m sur l'arrête qui est impraticable
neige sans consistance et jusqu'à la taille.
Je redescends
et traverse pour rejoindre une voie équatorienne
en TD qui me permettra de rejoindre l'arrête à 6000m
mais je n'irais guère plus haut: après 10h d'efforts
dont pas mal à essayer de progresser sur une arrête
de fou, de la neige à la taille, tout menace de partir 2000m
plus bas.
Je me dis que continuer c'est manquer de respect à l'élément.
Ca peut passer comme non, c'est la roulette russe, du coup je redescends,
un premier demi tour avant un soupçon d'orgueil puis un second
demi tour définitif.
J'ai les putains de boules, je me demande
si je me suis chié dessus
ou si c'était les conditions qui l'exigeaient, j'ai normalement
pas peur mais là, je n'avais pas assez mon destin entre les
mains et objectivement je pense qu'il fallait redescendre.
J'apprendrais
plus tard que seulement trois personnes ont atteint le sommet cette
année et par une directe seule solution pour éviter
l'arrête.
Je redescends le même jour au BC, gros cafard,
je veux plus de montagne, plus de solitude, plus de froid, plus de
soif ni de faim, la montagne ne veut plus de moi, je ne veux plus
d'elle non plus...
Le lendemain, redescente pour Cachapampa. Au départ,
je pense rentrer à Huaraz et faire je sais pas quoi et plus
je redescend plus le goût revient. Arrivé à Cacahpampa,
je tom be dans une fête de famille, je mange et bois comme
un porc et puis je dois danser...
Les débuts sont difficiles
mais après quelques bières
et autres alcool maison agrémentés de côte de
bœuf monstrueuse, tout va mieux. Néanmoins, à 3h du
mat je ressens un peu la fatigue beaucoup même et regagne ma
tente.
Le lendemain j'ai retrouvé un moral du feu de dieu,
un autre repas avec la famille et une après midi à parler
de tout et de rien et c'est décidé, je repars le lendemain.
Direction le camp de base de l'Alpamayo qui est réputé impraticable
cette année: pas de sommet depuis 1 mois et 8 morts deux mois
avant. Mais bon c'est un mythe...
Le sac est affreusement lourd et
il me faut deux jours pour rejoindre le BC à croiser les gens
qui redescendent, se plaignant du temps et du froid.
De BC, je monte à C1
dans la neige et le brouillard mais mes temps de marche s'améliorent
comme toujours après
5000m, avant cette barre je suis toujours lent faute au sac (les
autres ont des mules) et à un rythme de marche bien défini,
le même de 3000 à 6000.
J' atteint C1 2h plus vite que
ce que l'on m'avait prévu.
Je suis à 5300m, il neige et vante tout le monde redescend,
moi, une fois la tente montée, je me sens chez moi.
Je suis au pied d'une montagne qui a été qualifiée
comme la plus belle du monde (me demandez pas comment ils on pu faire
un tel jugement tant ça parait impossible de juger ce genre
de chose) et je ne vois pas à deux mètres.
A 1h du
mat', je sors un oeil de la tente, vois une étoile
et décide de partir pour le Quitaraju (6040m) car je le sais
en bonne condition pas comme l'alpamayo que j'aimerais voir avant
de l'attaquer surtout vue la réputation qu'il s'est taillé en
deux mois.
Il me faudra 4h pour atteindre le sommet du Quitaraju,
longue traverse glacière puis 700m de couloir à 60
degrés. Super
conditions, tout va bien, j'arrive en haut pour le lever du soleil à 6h,
c'est plus que grandiose sachant que 1h plus tard ce sera de nouveau
neige et brouillard.
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Discussion avec les grands du Perou: Huascaran,
Huandoys, Chacraraju, Artesonraju, Santacruz... et Alpamayo que je
découvre enfin au sommet.
6h pour redescendre. Un peu long mais la patience est l'arme la
plus utile pour redescendre. Retour à C1 que j'ai pour moi
tout seul, être seul au pied de l'Alpamayo ça n'a pas
dû arriver à beaucoup de monde depuis longtemps, dommage
que ce soit dans la tempête.
Mise en place d'un programme récup' à base
d'infusions de coca, de chocolat et de sommeil. A 1h30 du mat', nouveau
départ
pour la montagne la plus célèbre du Pérou, qui
se dresse devant moi comme un monstre.
La voie normale (ferrari)
est impraticable. Du coup j'opte pour la directe française,
la seule voie qui sort au vrai sommet car les autres sortent sur
une arrête impraticable.
Je fais la trace jusqu'à la
base de la face, ça non
plus ça n'a pas dû arriver à beaucoup de monde
depuis longtemps.
Enfin la trace c'est jamais un truc dont on se
réjouit .
J'arrive au pied du monstre, il me faut une heure
pour trouver un passage dans l'immense crevasse qui garde la face,
un pont crée
par une avalanche, 3m de verticale et 2 de surplomb me permettent
de me hisser dans la face.
Là commence 100m à 60 degrés à brasser
jusqu'à mi cuisse: c'est la fête puis j'arrive à un
mur de glace de 25m (20 à 85 et de 3 à 5m au delà de
la verticale).
Je lutte pendant trois heures trente pour trouver
un putain de passage. A chaque fois je bloque sur la fin qui n'a
pas d'encrage sûr à cause
d'une glace de merde je me fume les bras en tentant des dizaines
de passage.
Pas moyen, je vais pour redescendre insultant les dieux,
mais étant
passé près de la correctionnelle à plusieurs
reprises je trouve ça sage.
Un dernier coup d'oeil me permet
de voir 1m de corde plus à droite
(le jour s'est levé).
C'est reparti pour une longue traversée pour arriver à cet endroit
où je passe sans problème pour déboucher sur les 300 derniers
mètres.
150 de glace à 70 75 mais bonne qualité puis 150m
plus raide avec la glace posée sur la roche il faut se faire
tendre et poser les lames avec douceur histoire de pas tout faire
partir.
Derniers mètres plus que verticaux mais c'est les
derniers mètres, bien au fond des dragonnes (fatigue oblige)
avec un pieux posé car je suis loin d'être sûr
de mon coup, je sors ça à l'arrache totale, pour me
dresser à 5947m
au sommet de l'Alpamayo, par la directe française en solo.
Je lève les piolets et prend une grosse décharge de
bonheur, c'est trop bea,u c'est sans aucun doute la course de ma
vie.
Le sommet, c'est un peu comme highlander après avoir
décapité son
adversaire.
Je suis foudroyé par quelque chose de divin, en
plus je sais que ça va pas durer, il va falloir re tom ber
les pieds sur terre et penser à redescendre.
J'en profite à max,
je sais que le BC me voit de même
que les cordées qui montent ( il fait beau) puis je reviens
sur terre et redescends je possède 30m de corde en 6mm!!!!
Du coup beaucoup beaucoup de patience pour trouver où faire
les points de rappel, le but du jeu est d'arriver en bas, peu importe
quand.
Je pose 5 pieux en tout et 2 broches que j'avais trouvés
en montant (échappés d'un bodard?) plus pas mal de
lunulle et de points à l'arrache.
17h30: j'arrive à C1,
16h après l'avoir quitté en
allant manger 2 power barre périmées offertes par une
expé qui descendait la veille et bu 700ml d'eau... C'est ça
la diététique sportive!
A C1 deux français,
1suisse et 1 basque, leur 3 porteurs et leur 2 guides m'accueillent
avec un thé et des bravos.
C'est bon pour l'ego et ça
fait oublier la fatigue, les mains gelées et gonflées
(je me souviens d'une photo des mains de Destivelle après
les dru en hivernale et je comprenais pas comment ça pouvait
arriver. Maintenant je sais.)
En plus dans la descente, un bout de
glace est venu éclater
mes lunettes, le soir je ne sens rien mais dans la nuit j'ai l'impression
d'avoir les globes oculaires dans des étaux et au matin j'ai
grand peine à ouvrir les yeux.
Je répares les lunettes
avec de la couverture de survie et entreprend ma descente qui durera
3j pour atteindre Cacahpampa puis Huaraz.
J'ai toujours mal au yeux
surtout devant l'écran: heureusement
que je regarde que le clavier (désolé pour les fautes).
De retour ici je suis pas peu content de moi, ma seule question est
de savoir si le coup de maître est d'avoir fait demi tour
au Santa Cruz ou d'avoir sorti l'Alpamayo?
Je n'aurais jamais
la réponse mais le rendez vous est pris
avec le Santa Cruz pour une prochaine année car je l'entends
rigoler d'ici et ça me plait pas...
Bises à tous
Seb
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