Comme d'hab, j'ai un peu poussé la mécanique et les
dieux et les éléments ne m'ont pas aidés. Je
reviens de 15 jours de galériens qui m'ont psychologiquement
poussés à bout.
J'ai sorti trois sommets: l'Aucohuma à 6450m
par l'arrête
et l'Illampu à 6360m (première de l'année) par
l'arrête ouest et le Pico Schulse 5943m par l'arrête
ouest qui ne figure sur aucun topo qui était un putain de
mixte pour sortir également pour la première fois de
la saison. Ca c'est ce qui a été facile.
Les galères
c'est que je me suis perdu trois fois. Deux fois en cherchant le
hight camp de l'Illampu (dont une journée
de merde sur un glacier à chercher un passage entre les séracs
et les crevasses...) et une fois en descendant du BC
de l'Ancohuma où l'on venait
de me dérober ma tente et ma bouffe donc deux jours perdus
entre les barres et à faire du cayonning sans manger pour
redescendre a la vallée récupérer de la bouffe
avant de se retaper les 3000m de dénivelé pour le high
camp de l'Illampu. A force ça a fait long.
Puis la redescente
un problème à un pied qui m'a obligé de
faire une opération chirurgicale à 5600m car je ne
pouvais plus poser le pied, j'ai ouvert sur 3 cm de long au couteau
histoire de nettoyer l'infection. Ca a été un peu mieux
après mais maintenant je me demande si je vais pas devoir
faire de la couture car ça a du mal à se refermer.
J'ai pensé à faire des photos de l'opération
pour pas qu'on me traite de mito.
Du coup, à la descente
(3000m) j'ai fait trinquer le genoux droit et maintenant j'ai un
oeuf à la
base du genou du coup je boite mais ça va j'ai réussi à rejoindre
la Paz et j'espère vite me refaire une santé car le
pb dans ce que je fais c'est que plus on en fait plus on en veut.
Surtout qu'en redescendant j'ai rencontré 6 français
avec leur 6 mules. Ils pensaient faire la trace sur l'Illampu;
dommage.
J'ai raconté ce que j'avais fait sans vouloir faire le mariol mais le
résultat était là et ils étaient impressionnés.
Puis quand je leur ais montré mon pied, la fille du groupe a failli
me vomir dessus et est partie sans dire au revoir.
Pour eux c'était impensable de monter au BC sans mule ni porteur et je
suis content de les avoir remis un peu à leur place car les "alpinistes" north
face millet GPS autour du cou mule et porteurs qui te cirent les pompes entre
chaque pas c'est dur à supporter après 15j de solo, de galère
et de marche avec trente kilos sur le dos de nuit sans tente, surtout qu'au début
de la conversation ils ont voulu m'expliquer la voie que je venais de faire.
Arrivé à Sorata, tout le monde détourne le regard sur le
passage du boiteux que je suis. J'ai couru pour attraper le bus de 3h mais il
est plein, il faudra attendre le lendemain. Les touristes assis aux terrasses
me demandent d'où je viens, je leur dis, la conversation est close ils
ont compris. Ceux qui veulent aller en montagne me demandent les infos du coup
je passe 1 h assis sur un trottoir à manger des bananes et du pain pour
expliquer en anglais, espagnol ou français les conditions des géants. |
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Puis je croise un miroir et je comprend pourquoi
on me regarde avec de drôle d'yeux: j'ai la gueule toute cramée
et noire, les cheveux en bataille et pas lavé de 15 jours
parlent à ma place. Malgré tout la reconnaissance des
différents groupes m'ont redonnés le moral que le matin
au dernier camp duvet givré et foulard gelé sur la
bouche je n'avais plus. Du coup je me paye une crêpe
et dans le bar il y a "a climbing guide in bolivia" je
feuillette et déjà fais
des plans sur la comète puis je me lève et me rappelle que je peux
a peine marcher. Il va falloir attendre un peu mais bon.
De toutes façons, il faudra que je revienne en Bolivie car il y a des
milliers de voies à faire et à ouvrir et si pour l'instant je n'ose
pas trop me jeter dedans, j'espère un jour pouvoir le faire. C'est un
pays de fou pour la montagne même si l'on se fait tirer le matos au BC à 5100
m . Le domaine des dieux doit sûrement commencer au delà de cette
limite car jamais ils n'auraient permis cela, à cette altitude en solo
et après le sommet, c est une tentative de meurtre à mon avis.
En plus il y avait mon journal et mes notes de montagne mais il a tout pris même
les poubelles ce qui n'est pas normal pour un bolivien. Dur après les
10h de marche pour le sommet et sa redescente a rêver du carre de chocolat,
de s'apercevoir que celui ci a été volé.
Dure expérience
mais assez formatrice, j'ai négligé quelque chose et ça
a pas pardonné. Bien fait pour ma gueule, c'est pourtant évidant
qu'à 5100 il faut payer un gardien à 50 dollars par jour pour garder
une tente vide et un carre de chocolat...
Voila brièvement mes 15 dernier jours dure moralement et puis je pense
que la solitude commence à peser à la fin un grand soliste français
(Moulin) a dis que le solo ça rendait fou. C'est clair qu'il a raison
mais je pense moi qu'il faut être fou pour faire du solo donc si en plus ça
rend fou ça va faire de moi un deux fois fou. J'ai peur qu'on m'enferme
quand je rentrerai en France...
Bon j'arrête même si je pourrais écrire encore beaucoup parler
du vent, du soleil, des labyrinthes glaciers, des chutes de pierres, de mes igloos,
de la profonde sur l'arrête à 6000m, des réveils où tout
n'est que glace, des couchers de soleil, des levés, de la vue du lac titicaca
au sommet, d'un rocher qui fou le camp sous mes pieds sur une arrête me
laissant pendu à un piolet les deux pieds dans le vide....
Aora opération reconstruction à base de bonne bouffe
et de sommeil
Bises a tous
Seb
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