27. Juin 2003, Et alors



C'EST UN PEU LONG PARDON MAIS J'AI JAMIS SU ABREGER....
Ce mail je l'ai rêvé et écrit plusieurs dizaines de fois ds ma tête et la je me retrouve devant le clavier et je trouve cela dur, je sais plus trop de quoi je dois parler. J'ai le bout de certains doigts qui ont pris un coup de froid et du coup ils sont insensibles ce qui aide pas a écrire ; de même pour le gros orteil gauche, je suis ds un état de fatigue plus qu'avancé, je dois même avouer que j'ai bien reçu, et pour cause....

Je reviens d'un truc monstrueux, la traversée de l'Illimani en solitaire. Ca vous dit peut-être pas grand chose mais concrètement et pour faire parler les chiffres c'est un enchaînement de cinq sommets de plus de 6000m dont trois sont cotés ndépendamment D, le tout étant coté D plus et qualifié comme "the longest and hardest expedition in Bolivia par les topos", ça représente 4 nuits et près de 5 jours a plus de 6000, des passages a 70 degrés en glace, une cascade a 80 en glace, des vents dont je ne peux donner la force mais qui, par certaines rafales vous couche, des température vraiment très froides (pas de tente, tout en bivouac) suffisent pour transformer un litre d'eau en glace à l'intérieur du duvet, un sac contenant 8 jours de bouffe et de chocolat pour tenir le coup, donc forcément lourd, surtout à plus de 6000 où tout est différent, 7 jours et demi ss voir personne ça parait peu mais avez vous déjà essayé?,....

J'ai pris ds ces 8 jours une expérience importante, j'ai galéré, j'ai eu très froid, j'ai compris comment l'on pouvait mourir de froid de fatigue, j'ai eu faim, soif, j'ai peu dormi, bref ça parait être l'enfer et pourtant je n'aspire qu'à y retourner, je ne comprends pas moi-même. Je crois que ça marche pas bien au sommet de mon mètre quatre-vingt dix, ou peut être que je suis fait pour ça, que les grosses bouffées d'air de la haut sont celles que j'aspire à respirer, que tous ces paysages et ces émotions fortes, bonnes ou mauvaises, me ravissent, que j'adore jouir de tous les petits bonheurs que la montagne a transformé en grand à mon retour ( un carré de chocolat, de l'eau courante, un lit.....)
Tout a commencé comme toujours au bord d'un bus loca,l départ prévu entre 6 et 8h le 19 Juin. En réalité le vieux dodge se mettra en route vers 9h. Donc trois heures sur le trottoir à boire du café et à manger des petits pains tout en regardant mon sac sur le toit du bus et en répondant à toutes les questions des boliviens. L'avantage d être arrivé tôt c'est que j'ai un siège. Malgré tout le voyage sera long, compter 20km/h de moyenne sur une route où je ne suis pas sûr de faire passer une voiture...enfin, le chauffeur est bon et les autocollants à la gloire de Jésus Christ bien collés. A 13h je me fais déposer au milieu de nulle part, je commence à me demander vers où et quoi je vais mais bon je le veux, j'attaque à marcher. Déjà le vent est là mais je ne me doute pas de l'intimité que l'on va vivre pendant huit jours. Après trois heures et demie de marche effective (ss compter les poses) je me retrouve là ou débute l'expédition pour celui qui a écrit le topo et ouvert l'itinéraire avec quatre compagnons en 1998.

Pour eux, ça avait pris 3h de 4/4, l'équivalent de ma journée bus/marche... enfin…
Une ruine est là, trois mur tiennent encore et me servent d'hôtel mais pas de toit c'est bien dommage car au milieu de la nuit il se met à neiger. Je suis à 4400m ss tente et me dis que ça commence fort, je vois ça comme un test de la montagne pour savoir si je le veux au fond de moi, eh oui...

Un parapluie et un sac poubelle pour mon sac me permettent d'encaisser ss trop de pb les trente cm de neige tombés ds la nuit. Ca fait tout de suite ambiance de se réveiller le duvet couvert de neige et tout blanc de partout, ça me rappelle les photos des grosses expés que j'admire ds montagne magazine ou autre mais la c'est du vrai...

Je pars au programme 1000 de devennivelé pour rejoindre le glacier du premier sommet, le Pico del Indion à 6109m. Ces 1000m sont une formalité malgré le sac et l'absence de sentier, malgré tout je gère, je sais que ça va être long donc je prends le temps de faire les poses, de boire, de manger et arrive vers trois heure au bivouac a 5500. Là il  y a des pierres et je me mets à construire trois murs pour passer la nuit. Ca me prend 2h et c'est plus un jeu qu'une nécessité et le résultat est pas mal même si je suis loin de pouvoir prétendre au titre de maçon le plus haut du monde!

Le matin je pars a 4h30 et rejoint vite la première arête à 5800 où je rencontre mon pote le vent : il me glace et m'énerve mais je reste zen et continue à grimper cette arête en bonnes conditions environ à 60 degrés mais en bonne neige. Je sors sur le plat à 6000 et de là ne descendrai plus en dessous de cette altitude pendant plusieurs jours. 1 km d'arête à cette altitude à plat pour rejoindre le pied du sommet qui est une formalité. Redescente de 100m et remonte à 6175 au pied d'un immense sérac qui va me servir d hôtel. Je creuse mon lit ds la neige et non pas ma tombe, n'oublie pas le coin cuisine bref le vrai luxe pour ce premier bivouac à plus de 6000.

Le lendemain c'est le Pico norte : là on tape ds du technique et du sérieux ; monter à 6300 sur une arête de 2km puis finir à 6403 pour le sommet avec un passage à 70 degrés. Mais le plus drôle reste à venir : la descente de l'arête sud. Début facile puis une grosse crevasse bloque l'arête, il faut descendre ds la face, c'est à 70 et en glace. Je repère un passage qui me semble en neige mais je m'aperçois que c'est juste 10 cm qui recouvrent une glace bleue et dure que mon quark (piolet de glace) a du mal a pénétrer.

Je commence à ne pas le sentir et les mollets deviennent durs. Je tente de brocher en vain alors je me dis que ça va le faire comme cela mais 5m plus bas je me dis que y a pas moyen, qu'il faut que j'assure le truc sinon les 1000m sous moi vont être vite passés avant de rencontrer la grosse crevasse du bas...J'apprends, j'ai jamais été à l'école de l'alpinisme, je fais les choses comme elles me semblent bien. C'est peut être pas comme cela que la littérature et la théorie feraient mais bon,( j'attends les critiques des lecteurs alpinistes pour la suite).

 



Je parviens à faire une belle lunule, la première de ma vie (deux trous ds la glace qui se rencontrent pour faire passer un bout de corde) que je couple avec un ancrage naturel. Ça me fait chier de laisser deux bouts de cordelette mais bon... Je descends les trente mètres qui restent en sécu du coup puis remonte pour arriver sur le bord de la crevasse où je passe la corde ds un autre ancrage naturel puis j'enjambe le bord de la crevasse pour me mettre ds une super merde : les bords n'étant pas verticaux je me retrouve ss aucun appui pédestre d'aucun côté. A gauche, la crevasse suffisamment profonde pour me faire très mal, à droite la glace et les mille mètres de face. Je suis à la limite de péter un  plomb mais je gère, j'ai un bon piolet droit et jette tout à dte  afin de retrouver mes appuis pédestre. Je franchirai la crevasse un peu plus bas où se trouve un rebord. Une fois celle-ci franchie je m'étale de tout mon long sur le replat juste à côté. Je suis à bout physiquement, je ne me suis pas rendu compte sur le moment mais j'ai sacrement donné pour descendre 50 putain de mètres de dénivelé!

Je repars. une autre petite crevasse que je ne néglige pas. j'y accorde plein d'attention car je me dis que je ne viens pas de me faire chier à passer la grosse pour me faire b...erner par la petite. Je rejoins l'arête, elle est parfaite : deux belles pentes à 70 de chaque côté et effile a la perfection. A dte neige dure/gelée a gauche profonde je descends en passant d'un côté à l'autre ne parvenant pas à décider lequel est le mieux. J'atteints 6200 et mon bivouac où je vais vivre la nuit la plus froide de ma vie : tte la nuit le vent de folie, impossible de dormir, j'ai les pieds gelés, la main de même, le corps pareil, l'eau gelée à  l'intérieur du duvet, le gars pareil. Du coup, pas de réchaud au matin, pas de petit dej non plus et je dois attendre le soleil pour sortir du duvet. Cette nuit j'ai compris comment l'on pouvait mourir de froid. J'ai bien veillé à ne pas m'endormir quand j'ai compris que la situation était limite. Je repars toujours avec le vent, certaines rafales m'obligent à mettre le genou à terre, à faire la révérence en quelque sorte et je le fais, pas le choix. Je sors ds la journée le troisième sommet ss trop de difficulté mais je suis bien fatigué. Mon autre bivouac sera moins venté mais le vent apporte à chaque fois avec lui de la neige. Bilan : le duvet rempli de neige, tous mes vêtement durs comme du bois et glacés, le réchaud encore HS au matin et le bonhomme encore bien frais... Mais je gère malgré tout, le soleil encore une fois me donne le moral de repartir pour enchaîner ds la journée les deux derniers sommets.

Au dernier je me dis : je descends un peu pour boire et ne pas trinquer avec ce putain de vent qui me glace depuis le début. Le seul truc c'est qu il y a le choix entre deux descentes et je choisis la mauvaise descente : 300m avant de me dire que ça peut pas être là, trop raide, trop engagée, le topo l'aurait mentionné du coup il faut remonter ces trois cent mètres et c'est ´pas rien à 6000 qd on a déjà 6h de marche avant. Je vomis cette remonte et passe par des moments où je me dis que j'arrête, que je peux plus, en plus ça brasse de folie. Mais je suis teigneux et sors à la jonction des 2 glaciers à 6100 à deux heures de l'après midi, mort, j'ai compris là comment on pouvait mourir de fatigue et finalement je bois avec le vent mais j'ai trop attendu pour me réhydrater ne pouvant le faire ds la pente et je fais mon premier pipi rouge se qui n'est pas bon du tout. Je commence malgré tout à descendre le glacier car je ne veux pas bivouaquer à plus de 6000 et avec le vent. J'y parviendrai mais en allant chercher loin très loin au fond de moi et je dormirai à 5500 à l'abri du vent une vrai nuit où je dors de 7 à 7 ss interruption, ss avoir froid. Du coup, le matin, j'ai le moral et pars pour ce que je pense être ma dernière journée de marche, juste rejoindre la vallée, juste...

J'attaque la descente : couloir de neige large au début puis ça se resserre, f ini en glace et se termine par une cascade de glace. Tentative d'échappatoire par les rochers, en vain, il faut donc se la descendre. Ce sera fait ss trop de pb grâce à une lunule  et à un ancrage naturel au milieu de la cascade mais ça m'a pris du temps et je ne parviens à 4400 qu'à 2h de l'après midi. J'attaque à descendre vers la route par un ancien sentier mais celui-ci disparaît (je jure) et je me retrouve au dessus de barre encore à galérer.
Malgré tout j'atteints la vallée, mais pas par la route, à 6h du soir, bien fatigué et je fais toujours pipi rouge.

Le lendemain je me dis allez, aujourd'hui, facile, juste à rejoindre la route et à faire du stop jusqu'à La Paz. Je rejoins la route ss pb puis monte à 9h ds un bus : pas de place. Je commence la route par terre puis les gens voient que j'ai pris la foudre et se demandent ce que se grogos fait là par terre ds leur bus ss dire un mot. Je ressens de la compassion de leur part chose qui n'existe pas en Inde même ds la plus grosse de mes galères (leur seuil de tolérance est inatteignable) et ils m'offrent un siège. Enfin je peux m'asseoir sur le moteur. Mais comme j'ai été bien élevé je ne tarde pas à offrir mon siège à une vieille. J'aurais eu honte de dire que je venais de faire la traversée de l'Illimani en solo et de n'être pas capable de rester debout ds un bus. Je resterai debout jusqu'à La Paz, soit 5h à me faire bringuebaler ds tous les sens. Quand je sors du bus, je sais plus qui je suis. Je crois que se fut ce dernier jour le plus dur en fait. Je rejoins mon dortoir et pose le sac : je sais alors que c'est fini, que je l'ai fait mais j'ai reçu ! 2h plus tard je sors du lit et me voilà sur la toile pour tenter de vous faire partager un peu.
En réalité, long message pour dire pas grand-chose. Je vais bien et je crois que j'ai trouvé ma voie.

Si vous avez tout lu, bravo et merci ! Sinon merci qd même. Là je vais aller manger puis dormir puis je vais penser au prochain trip. Eh oui on se refait pas, il faut remplacer la cordelette perdue, acheter de la crème solaire.... bref demain…

Bises à tous
seb